La fille d’une amie sait que je suis généalogiste professionnel. Par curiosité, via Messenger, elle m’envoie la photo des armoiries du lycée Théodore de Banville à Moulins, où elle est élève, en me demandant si je peux lui aider à comprendre : Quelles sont ces armoiries ? Est-ce qu’elles ont un lien avec Théodore de Banville ou l’histoire du lycée ? Il est rare qu’en classe de seconde, on s’intéresse à l’héraldique. Il faut être un grand malade. Non mais c’est vrai, quelle est la gamine qui en seconde se pose ce genre de questions ? Je vous le demande. Il faut être complètement décabannée ! Elles ne doivent pas être nombreuses, je vous le dis à se le demander, pas besoin de faire un sondage même si c’est la période ! Alors aidons-la à comprendre. Ces armoiries peuvent se décrire ainsi, dans un écu français ancien : d’azur aux deux plumes d’argent passées en sautoir avec à la pointe du chef un livre ouvert d’or, à dextre un alérion d’or, à senestre une abeille d’or et à la pointe une fleur de lys d’or.

Je commence donc à effectuer des recherches sur les armoiries de la famille Faullain de Banville, qui est la famille du poète. Rien à voir avec les armoiries qu’elle me montre. La famille maternelle du poète ? Non plus ! Moulins, où se situe le lycée ? Toujours pas ! Le département de l’Allier ? Non ! L’Auvergne ? Nada ! Toutes ces recherches, basiques mais négatives, commencent à inquiéter ma jeune chercheuse en héraldique qui pensait, peut-être, qu’une recherche dans ce domaine était plus simple que cela. Mais elle ne se laisse pas décourager et cherche des réponses à mes questions.

Première question que je lui pose : quelle est l’histoire de ce lycée ? Elle me dit que cela a d’abord été un couvent, puis un collège et Napoléon en a fait ensuite un lycée. Un couvent ? Intéressant ! Connaît-elle l’histoire de celui-ci ? Cela peut être le blason d’un abbé, quel que soit son sexe, ou du fondateur, quel que soit son sexe, du couvent. Elle ne sait pas en effet s’il s’agit d’un couvent d’hommes ou de femmes. C’est un couvent de femmes ! De l’ordre de la Visitation.

C’est donc parti pour une recherche sur l’histoire de ce couvent et des blasons éventuels. Fondé en 1616 par la vénérable Jeanne-Charlotte de Bréchard. Mais ce n’est pas le blason de cette famille. En 1641 y meurt Saint Jeanne de Chantal. Ce n’est ni le blason des Frémyot ni celui des Chantal.

Rogntudju ! Poursuivons la recherche ! La chapelle du lycée abrite le mausolée du duc de Montmorency, pair de France, exécuté pour son complot contre Richelieu. Sa veuve, Marie-Félicie des Ursins, se retire dans ce monastère en 1637 et consacre son influence et sa fortune au rayonnement du monastère… et à la construction du mausolée de feu son défunt mari. Le blason des Montmorency ? Non… Mais…. Ils ont seize alérions sur leur blason. Eh bien ! Eh bien ! Eh bien ! Voilà qui est intéressant. Poursuivons quand même. Le blason de la famille Jouvenel des Ursins ? Non !

Elle me dit que c’est une enquête sans fin. Eh oui, souvent en héraldique ! Il faut passer de nombreux documents pour comprendre le blason que nous avons en face de nous. Si les réponses étaient si simples, on n’aurait pas besoin d’héraldistes !

Je finis par poser une hypothèse qui me paraît la plus crédible : ce blason a été inventé de toutes pièces. Je ne sais ni quand ni par qui mais il a été inventé. Et il rappelle peut-être l’histoire du lycée d’une manière ou d’une autre. Les plumes et le livre ouvert pourraient être en lien avec Banville, l’abeille avec Napoléon, le lys royal le complot avec le roi peut-être ? Quant à l’alérion, je ne fais pas le lien au départ avec Montmorency mais me demande s’il ne peut être un lien d’une manière ou d’une autre avec Sainte Jeanne de Chantal. Allez savoir pourquoi ! Alors que j’ai vu des alérions sur le blason des Montmorency. La fin de la journée peut-être ? Il est vrai que la journée a été longue, n’est pas encore entièrement finie, qu’il est 20h passées, que je sors de deux heures de visioconférence quand elle m’a posé la question et que je n’ai pas encore mangé.

Elle trouve l’hypothèse fort plausible. Il y a tellement de recherches négatives autour de celui-ci, alors pourquoi pas ? Mais cela devrait être mentionné quelque part quand même ! M’enfin ! Elle cherche donc elle aussi de son côté. Et bingo ! Elle trouve en effet l’explication dans un article de La Montagne, le journal local.

Cet article indique que ce lycée est le troisième en France à posséder son blason depuis 1986. Une rareté, disent-ils ! C’est un héraldiste de Clermont-Ferrand, Michel Guillaumin, ancien élève du lycée, qui l’a effectivement dessiné. Les plumes symbolisent le poète, le livre ouvert fait référence à l’enseignement, l’alérion au duc de Montmorency, l’abeille à Napoléon qui l’a fondé, et la fleur de Lys aux armes de la ville de Moulins.

Elle sait ce qu’il signifie. Heureuse ? Il faudrait lui poser la question mais satisfaite, tout comme moi, sans doute.