Tout commence par un mail d’une de mes étudiantes. Elle m’envoie un extrait de table décennale dans laquelle elle a trouvé mention d’un enfant naturel, Louis Alfred Théodose BARRAL, né le 7 septembre 1857 à Nîmes. Mais…. Lorsqu’elle va dans le registre, si elle le trouve bien (vue 393), il n’est plus du tout fait mention d’une filiation Barral. Et elle m’envoie itou copie de son acte de naissance. Comment interpréter cela ?

Je regarde les deux documents reçus, table décennale et acte de naissance, et lui signale que l’acte de naissance date du 17 septembre 1857 et non du 7 septembre 1857. L’enfant n’est pas marqué « enfant naturel » dans cet acte mais « enfant exposé ». Il existe bien en revanche un acte de naissance de Louis Alfred Théodose BARRAL le 7 septembre 1857 mais à la vue 376 ! Il ne faut donc jamais se précipiter en généalogie et lire tous les renseignements des actes. On peut sinon commettre des erreurs. C’est une des leçons à tirer de nos échanges de mails. Toujours faire attention à sa recherche. Être toujours attentif sinon on peut partir dans une mauvaise direction, surtout dans l’excitation de la découverte. Il faut savoir garder la tête froide pour pouvoir analyser correctement les documents.

En outre, une lecture attentive de l’acte nous dit que Louis Alfred Théodose BARRAL est né le 5 septembre 1857 à 16h. Sa maman se prénomme Sophie, exerçant la profession de cuisinière, âgée d’environ 20 ans, habitant rue de la Madeleine dépendant de la section 10 de la ville de Nîmes. Elle est dite native de Campestre et fille d’Etienne BARRAL, cultivateur, et de défunte Louise BERGONNIER (écrit BERGODET dans cet acte). Quand elle accouche, elle est assistée de Marie TOULOUSE veuve HÉRAUD, sage-femme. C’est cette dernière qui ira déclarer à la mairie l’enfant le 7 septembre à 15h. La table décennale mentionne donc la date de la déclaration et non la véritable date de naissance de l’enfant. Deuxième leçon : toujours lire en entier l’acte. Si on en croit la table décennale, Louis Alfred Théodose BARRAL est né le 7 septembre. Eh bien non ! Il est né deux jours plus tôt. Ce n’est plus le cas actuellement. Si vous lisez un acte de naissance et que vous le cherchez dans la table décennale, les deux dates (naissance / table décennale) correspondent. Cela n’a pas toujours été le cas, notamment au XIXe. Donc toujours lire l’acte pour trouver la bonne date de naissance.

Qu’en est-il de l’enfant exposé qui porte les mêmes prénoms que lui ? Il est déclaré par Jean MOLIÈRE, âgé de 70 ans, assisté de François VALÈS et d’Adrien DELENNE. Tous les trois sont employés par l’hospice d’humanité de Nîmes. Jean déclare que l’enfant a été exposé au tour. Il est âgé d’environ dix jours. Il porte sur lui un billet qui lui donne les prénoms de Louis Alfred Théodose. Il est habillé de deux chemises en calicot, deux bourrasses, une en laine grise et l’autre en molleton blanc, un lange en toile et le tout est en bon état. Il a autour du cou un collier de perles blanches et au bras droit un morceau de peau rouge.

Ils portent tous les deux les mêmes prénoms dans le même ordre et semblent être nés aux mêmes dates. Sophie BARRAL aurait-elle abandonné son enfant ? C’est une hypothèse à poser sans qu’elle paraisse le moins du monde incongrue. Deux enfants nés à la même date avec les mêmes prénoms, cela serait bien le diable s’il ne s’agissait pas du même. Cela vaut donc la peine d’aller aux Archives Départementales du Gard chercher dans les inventaires de l’hospice d’humanité de Nîmes, en série Hdépôt, s’il y a trace de cet enfant, s’il a survécu, où il est allé. Bref essayer d’en savoir plus sur sa vie d’enfant naturel abandonné par sa mère.

Ainsi il sera possible d’apprendre qu’inscrit à l’hospice de Nîmes sous le numéro 8453, il a ensuite été confié à l’hospice civil de Génolhac où il est décédé à 1h du matin le 25 septembre 1857, âgé de dix-huit jours. Son décès a été déclaré deux jours plus tard par Alexis BONDURAND et Jean-Baptiste VIDAL, employés de cet hospice. Sophie lui espérait une vie meilleure en le confiant irrémédiablement dans un tour, meilleure que celle qu’elle pouvait espérer lui donner. Ce ne fut, hélas, pas le cas. Et elle ne saura jamais ce qu’il est advenu de lui.

Cependant, le 18 avril 1862, à 10h du matin, toujours célibataire, mais exerçant désormais la profession de couturière, domiciliée rue Saint-Bernard à Nîmes, elle lui donnera un petit frère prénommé Octave Stanislas, toujours assistée de la même sage-femme. Ce dernier décèdera le 6 juin 1862 à 8h du matin, bien loin de chez lui, à Dompnac en Ardèche, chez André MALMAZE, son père nourricier, qui déclarera son décès le lendemain.

Ah, j’oubliais de vous dire. Sophie est bien née à Campestre le 11 mars 1837, à 7h du matin… Mais sous le prénom de Julie. Elle a une petite sœur, née six ans après elle, prénommée aussi Julie. Cette dernière décède à l’âge de 20 mois… Sous le prénom de Joséphine. C’est à se demander pourquoi leurs parents les ont appelé toutes les deux Julie. Une marraine peut-être ? J’adore les recherches au XIXe !