Vous avez décidé d’être entrepreneur. Si, si, après moultes réflexions, vous avez décidé de vous lancer dans l’entrepreneuriat. Pour effectuer ce choix, vous avez en vous quelques attitudes favorables : le goût pour les défis et les responsabilités, l’autonomie, le besoin de vous accomplir, la volonté de participer à l’ensemble d’un processus. Fi la stabilité, la sécurité, les opportunités de carrière, qu’on ne vous en parle plus ! Vous savez que votre travail va être complexe et vous n’allez plus compter vos heures. Vous savez aussi que souvent vous allez être seul.
En étant entrepreneur, vous allez développer votre capacité à exploiter des opportunités que vous aurez identifiées avant les autres. Vous allez imaginer de nouveaux produits, de nouveaux services, construire le marché pour leur permettre de se développer. Vous allez aussi construire une organisation pour mettre tout cela en place. Le pied total ! L’exaltation au plus haut niveau.
Oui mais… Cela c’est votre cerveau, votre esprit qui travaillent. Mais nous, les humains, ne sommes pas que de purs esprits, façon ordinateurs vivants de Xandar ou cerveau de Cogitor vivant dans sa boite de conservation remplie d’électrofluide, maintenu presque exclusivement dans un état de privation sensorielle pour éviter les distractions entachant l’évolution de ses pensées. En tout cas pas encore. Xandar (de l’univers des comics Marvel) et Cogitor (appartenant à la saga Dune) font toujours partie de la science-fiction. Nous avons aussi un corps. Et il ne faut pas le négliger. Il faut savoir l’écouter quand il nous envoie des signaux. Sinon, il peut se montrer très orchidoclaste pour vous rappeler à notre bon souvenir. Très quoi ? Orchidoclaste. Nom d’un chihuahua ! Qu’es aquel lo bestio comme diraient mes ancêtres occitans ? Le mot existe, il est très rare d’usage mais il existe, si, si. Et il a été remis au goût du jour par la série « César Wagner », merci à elle. C’est en effet une des expressions qu’utilise la médecin légiste Elise Beaumont, jouée par Olivia Côte, une médecin décomplexée, sans filtres, énergique, manquant sans doute de confiance en elle mais d’une bienveillance sans pareille.
Cela étant dit, être orchidoclaste, c’est quoi ? Un peu d’étymologie, peut-être, pour pouvoir mieux comprendre ? Cela vient de deux mots de grec ancien : orkhis signifiant « testicule » et klaô qui peut se traduire par « briser ». C’est être casse-couilles quoi, si vous préférez utiliser un langage plus châtié. C’est-à-dire que si vous êtes trop dans le travail, que vous en oubliez le repos, les vacances, si vous tirez trop sur la corde, celle-ci risque de craquer. Votre corps va vous mettre un premier « STOP ! Maintenant tu m’écoutes ! ». Si vous n’écoutez toujours pas, il va monter dans ses avertissements jusqu’à vous bloquer complètement. Et là plus d’autre choix que d’écouter et de prendre ce repos tant mérité qu’il vous demandait depuis si longtemps.
Pourquoi j’emploie ce terme ? Parce que votre corps sait insister. Il en a les moyens. Et plus vous lui résistez, plus il va insister. Comme un vrai orchidoclaste. Votre corps va avoir un comportement de plus en plus pénible avec vous et si vous ne savez pas lâcher prise, cela va lui générer ensuite un grand énervement. Vous allez entrer en conflit. Et c’est le corps qui va gagner, croyez-moi.
Je peux en parler en toute connaissance de cause, c’est ce qui est train de m’arriver. Je suis en train de travailler tous azimuts sur de nouveaux projets, de nouvelles idées. Ma créativité se développe à tout crin, j’ai plein d’envies. Il faut pallier autrement le départ de mon ancien associé. Et comme du coup je ne faisais pas assez attention à mon corps, malgré les messages qu’il m’avait déjà envoyé, celui-ci m’a mis un stop, un vrai avec plusieurs problèmes de santé qui sont survenus en même temps et qui m’handicapent au sens propre, au point que mon médecin ne m’a pas laissé le choix et a dû m’arrêter. C’est la première fois depuis quasiment 25 ans que je suis à mon compte.
Être entrepreneur c’est bien. Savoir écouter son corps ou ne pas le négliger, sur le long terme c’est mieux. Parce que, quand il vous met un vrai stop, tous les projets sont arrêtés ou presque et vous devez déléguer si cela vous est possible, le temps de prendre ce repos exigé. Malgré mon expérience, je me rends compte qu’en fait l’entrepreneur que je suis apprend toujours. D’une manière ou d’une autre. Et c’est une expérience de vie qu’il me semble important de partager. Parce que, quand on a le nez dans le guidon, il est difficile de relever parfois la tête. Or, il le faut. C’est une expérience nouvelle ainsi que je pourrais aussi partager avec mes étudiants qui veulent se mettre à leur compte. En pleine phase d’apprentissage, je vous dis. Et employer ce terme d’orchidoclaste veut peut-être aussi dire que je n’ai pas entièrement accepté ce qui se passe. Les deux parties formant qui je suis l’ont été en fait : l’esprit qui n’a pas voulu écouter et le corps qui a dû le devenir pour pouvoir être écouté.
Et une fois de plus, merci Anne qui sait pallier.