Parfois, recevoir de la part de clients des documents pour pouvoir les déchiffrer est un vrai plaisir des yeux. Deux personnes m’ont ainsi apporté des documents de l’ancienne abbaye Saint-Vivant de Vergy, en Côte d’Or, abbaye qui a géré le domaine de Romanée-Conti sous l’Ancien Régime, avant que la famille de la grand-mère maternelle de la femme de mon ancien associé ne l’achète. Eh oui, il y a des coïncidences parfois qui ne sont pas banales ! Romanée-Conti surgit une fois de plus dans ma vie professionnelle. Différemment mais toujours présente.

Parmi ces documents, se trouvent plusieurs parchemins qui ont, appendus, des cachets de cire rouge. Un parchemin, avec de magnifiques dessins à son pourtour, possède de même une bulle en plomb tenue par un lac en ficelle. Même si je ne suis pas un spécialiste des sceaux, très loin de là, il m’a semblé intéressant de vous en parler. Six parchemins ont donc un cachet de cire rouge. Je ne parle pas de sceau car celui-ci est un objet métallique dont le motif est gravé en miroir, de manière à faire apparaître le motif en volume une fois apposé sur la cire.

Un des cachets est rond, cinq sont en forme de navette. Quatre ont des lacs en ruban blanc, deux en ruban bleu. Ces six cachets sont conservés dans des boîtes en métal. Les documents auxquels ils sont appendus sont rédigés en latin et datent de la fin du XVIIIe siècle.

À partir de là, je me suis posé, je l’avoue, beaucoup de questions. La couleur de la cire avait-elle une importance ? Et celle des attaches ? Pourquoi ceux-là ont-ils des cachets de cire et pas les autres ? Et les boîtes en métal ? C’est ainsi que j’ai découvert qu’en France la couleur de la cire avait de l’importance. La cire verte était exclusivement réservée aux actes à valeur perpétuelle, la cire jaune pour les actes administratifs. Si vous vouliez cacheter une déclaration d’amour à votre dulcinée, vous deviez employer de la cire bleue. Et la rouge alors ? Dans la sphère privée, elle concernait les lettres. Elle était un marqueur fort pour différencier les lettres scellées de celles qui ne l’étaient pas. Elle garantissait l’authenticité du document.

À partir de la Renaissance, le cachet de cire n’est plus un outil d’authentification puisque la signature est obligatoire et a, de ce fait, un usage qui se répand de plus en plus. Il se contente d’assurer la confidentialité. Tous les documents scellés sont des parchemins. Aucun n’est en papier qui se substitue, toujours à partir de cette période historique, à lui de plus en plus. Le rôle des notaires ne cesse aussi de grandir.

Quand j’ai ouvert, délicatement, les boîtes en métal, je me suis rendu compte que les cachets en navette étaient tous identiques mais différents du cachet rond. Ils ne sont pas forcément en bon état, pour ne pas dire que la plupart sont abîmés. Les cachets en navette forment deux parties : la partie du haut représente peut-être une Vierge à l’enfant, assise sous un dais et tenant une branche de laurier. C’est en tout cas, l’image qui m’en est ressortie quand je l’ai vue. Une femme auréolée, tenant à sa gauche un enfant auréolé lui aussi et à sa droite un végétal sous forme de branche. À part une Vierge à l’enfant, je ne voyais pas trop ce que cela pouvait être d’autre. Pourquoi la branche m’a-t-elle fait penser immédiatement à du laurier ? Je ne sais pas. En dessous, il y a une croix toulousaine entourée de deux personnages à genoux semblant prier.

Le cachet rond m’a fait penser immédiatement à des armoiries ecclésiastiques. Quelle famille ? Aucune idée (pour le moment) ! En tout cas, le blason possède une croix de Saint-André au milieu. On dirait qu’il y a une couronne au-dessus, le tout surmonté d’un chapeau ecclésiastique à dix houppes de chaque côté (la houppe est le nom donné aux renflements des cordons pendant des chapeaux ecclésiastiques).

Ces documents sont en liasse, la plus mauvaise méthode de conservation des cachets de cire qui pendouillent en tous sens. À chaque manutention, ils subissent des chocs, aussi soigneuses que soient les personnes qui les manipulent. Pour les protéger le plus possible, les cachets sont donc dans des boîtes en fer. Selon les sigillographes, elles n’ont pas donné de bons résultats à cause de leur poids et de leurs bords tranchants qui peuvent couper les lacs facilement. De plus, la cire adhère mal sur le métal, s’en détache, heurte les parois. Elles peuvent être difficiles à ouvrir ou le couvercle ne tient pas et s’égare. Celles entre mes mains semblent s’ouvrir facilement, c’est déjà cela. Elles ne sont pas déformées, pas écrasées, bref leur résistance mécanique semble plutôt bonne. Cependant le cachet de cire semble parfaitement adapté à sa boîte, bien ajusté. S’il y a choc, la feuille de métal ne peut-elle pas se déformer puis revenir peu ou prou à sa position première ? Cela peut-il expliquer le fait que les cachets de cire soient en mauvais état ?

En tout cas, sept documents magnifiques. J’avoue qu’il me tarde d’en savoir plus sur les textes que ces parchemins contiennent. Sans parler de la transcription des autres textes papier qui les accompagnent, bien évidemment.