X comme enfant abandonné, car je ne sais si cela a été volontaire ou pas par les inventeurs du cadre de classement des Archives Départementales mais si vous recherchez des renseignements sur les enfants abandonnés, dont ceux nés sous X, avant 1940, il vous faut chercher dans la série X. Un excellent moyen mnémotechnique certes mais aussi une ironie à mon goût. Je me souviens d’un client qui descendait d’un enfant abandonné par sa mère et qui recherchait des renseignements sur lui. Il aurait aimé savoir qui était la mère, pourquoi elle avait abandonné son enfant. Mais quand le petit bout de chou qu’elle avait mis au monde avait été trouvé, nul papier, rien permettant d’aller plus haut. Je m’étais dit qu’on pourrait peut-être remonter sur l’ascendance de sa femme. Comble de malchance, cette dernière était aussi une enfant abandonnée. L’ascendance de mon client s’arrêtait donc côté paternel sur deux impasses généalogiques, début XIXe siècle, 1824 pour l’ancêtre qui lui avait donné son nom, 1831 pour sa femme. Très tôt du point de vue généalogique. Du coup, là, le fil de trame ne suffit pas. Il faut vraiment rajouter du fil de chaîne pour avoir du tissu généalogique. J’étais donc parti chercher dans la série X si je trouvais quelque chose les concernant. Heureusement pour lui, j’avais pu trouver où ils avaient été en pouponnière, où ils avaient été baptisés, qui étaient leurs parrains et marraine. Une fois qu’ils avaient été grandets, les deux étaient partis chez des parents nourriciers. J’avais leur nom, leur adresse, combien ils avaient été payés. J’avais aussi les raisons pour lesquelles ils avaient changé de parents nourriciers à un moment, le nom des nouveaux. J’avais pu les suivre ainsi tous les deux jusqu’à ses 14 ans pour lui, 21 ans pour elle. Pourquoi 14 ans pour lui ? Parce qu’à cette date, il était parti en apprentissage. Et là, javais pu donner à mon client le nom du patron, le métier… Quand j’ai raconté tout cela à mon client, j’ai vu son visage s’illuminer. Plusieurs raisons à cela : Tout d’abord, m’a-t-il dit, cela faisait au moins deux générations que sa famille accueillait des enfants de la DDASS. Cet accueil, le fait de vivre dans cet environnement, avait fait que lui était devenu assistant social, qu’il s’était impliqué dans des sociétés caritatives dès qu’il l’avait pu. Il en comprenait la raison avec les trouvailles que j’avais faites. Et puis bien sûr, il était ravi, ravi de connaître ces deux ancêtres, leur vie. Même si tous les deux étaient des enfants abandonnés, il se rattachait à une lignée et cet abandon pour lui n’était pas un souci, un problème comme cela aurait pu l’être pour d’autres. Il s’ancrait dans une lignée et c’était cela pour lui vraiment le plus important. Une recherche un peu compliquée, qui au départ m’avait un peu déçu parce que je m’arrêtais vite dans le temps. Mais cette illumination dans son regard m’a fait oublier cette déception. Et j’ai trouvé cela très touchant.