Une personne que j’ai eu au téléphone m’a lancé à un moment : « Vous êtes mon Graal ». Allons bon ! Me voilà bien ! Vindiou ! J’espère ne pas transformer sa parole mais j’avoue que cela m’a perturbé. Qu’a-t-elle bien voulu me dire ? Essayons de comprendre en reprenant l’historique de cet objet littéraire mystique et légendaire depuis le début.

Le Graal apparaît pour la première fois à la fin du XIIe siècle dans le roman « Perceval ou le Conte du Graal » (chapitres 8, 15 et 19 pour être précis), écrit vers 1180 par Chrétien de Troyes, qui s’inspire pour cela d’Ovide et ses fameuses « Métamorphoses ». C’est alors un avatar du chaudron d’immortalité du Dagda, le dieu-druide au sein de la société des Tuatha Dé Danann, l’assemblée des dieux irlandais. Le Dagda est le dieu bon dont l’action rend des services à l’ensemble de la société divine. C’est aussi le dieu des contrats car il est maître du savoir sacré et de la vérité. Le Graal est à ce moment-là un plat creux d’abondance, rempli de nourriture se renouvelant en permanence. Chrétien de Troyes n’a pas eu le temps de finir son livre a eu des continuateurs, anonymes pour certains, dont le nom est connu pour d’autres.

Le Pseudo-Wauchier, Gerbert de Manessier dans ses continuations de l’œuvre de Chrétien de Troyes, Wauchier de Denain dans son ouvrage nommé « La Rédaction courte » l’associent à la Sainte Lance. Wolfram von Eschenbach, un poète allemand qui est connu principalement pour son œuvre intitulée « Parzival », puis Robert de Boron avec son « Estoire dou Graal » et l’apparition du personnage de Joseph d’Arimathie transforment ce plat en l’émeraude tombée du front de Lucifer lors de son combat avec l’archange Michel ; creusée en vase, elle recueille le sang du Christ s’écoulant des cinq plaies. À partir de 1230, plus aucun écrit médiéval ne développe le thème du Graal, le dernier auteur, un moine resté anonyme, composant vers 1220-1225 « La Queste dou Graal ». Le Graal est alors associé à la Grâce divine : à celui qui boit dedans est accordé la vie éternelle.

C’est donc un objet sacré aux pouvoirs puissants : seul un être pur, qui ne le cherche pas, peut le trouver et en prendre possession. Sa découverte, après toute une quête initiatique, annonce la fin des Temps Aventureux et la venue de la Paix. La recherche de cet objet sacré comme but dans sa vie, et même au risque de celle-ci, démontre que la finalité est peut-être plus importante que sa propre existence.

Dans son sens moderne, le Graal décrit un objectif difficilement réalisable, mais qui apportera au monde de nouvelles connaissances ou permettra une application originale sur la matière. Est-ce dû au fait que je suis chargé de cours à l’Université de Nîmes et qu’il n’est pas si simple que cela de devenir mon étudiant (les places sont chères : 10% maximum des candidats sont pris dans chacune des sessions) ? Est-ce dû au blog dans lequel je parle de mon métier plus que de mes recherches et qui peut montrer que le métier n’est pas si simple qu’il paraît au premier abord ? J’avoue que l’expression m’a surprise et je n’ai pas osé lui demander ce que la personne voulait dire par là tandis que nous discutions du métier et de son accès. Ce sont en tout cas les deux options qui me paraissent les plus réalistes.