Accueillir Fabien au sein de l’étude va permettre de mettre en place un souffle nouveau. Il est là depuis un mois et je le sens déjà. J’en suis ravi ! En plus d’avoir de nouvelles idées, il a envie d’apporter des modifications dans notre manière de travailler, à Anne et moi, comme par exemple mettre en place un cloud pour que nous puissions travailler plus efficacement à trois, et je vais bien sûr le laisser faire. Cela ne peut faire que du bien pour éviter de ronronner. Je sens que ça va dépoter mais tant mieux !
Curieusement, lors de mes cours du DUFRES, un de mes professeurs, qui est aussi éditeur, nous a parlé des outils qu’il a mis en place pour travailler avec ses auteurs. J’ai fait le lien car cela ressemble beaucoup à l’idée qu’a Fabien. Quand deux personnes me parlent de la même chose quasiment en même temps, il faut savoir écouter les coïncidences.
Surtout quand une troisième coïncidence survient presque en même temps. Cette troisième coïncidence est un article de Sydney Finkelstein, professeur de management, titulaire de la chaire Steven Roth à la Tuck School of Business du Dartmouth College, paru dans la version française de la Harvard Business Review d’octobre-novembre, intitulé : « Ne laissez pas votre expertise vous aveugler ».
Que nous dit Sydney Finkelstein ? Que dans un contexte professionnel, l’expertise est un bien inestimable. Elle est associée à une performance élevée, à une aptitude au leadership. MAIS elle peut aussi être gravement un boulet que nous nous accrochons volontairement aux pieds car nous pouvons tomber dans un piège, notamment quand elle nous rend incurieux, borné, vulnérable, y compris dans le domaine qui est le nôtre. Heureusement, cela se soigne ! Il faut tout d’abord essayer de garder à l’esprit que les règles du jeu changent en permanence et que si on continue de rester étroit d’esprit, et bien on mine nos résultats en prenant des décisions médiocres. Employons les termes sans se voiler la face. Si nous nous considérons comme des « experts », alors forcément nous savons, forcément nous n’avons plus rien à apprendre ni des pairs ni de ceux qui en savent moins que nous. Mais en faisant cela, nous nous isolons sans le savoir. Sans parler du manque d’humilité et de l’arrogance dont nous faisons montre.
Ce piège de l’expertise a selon cet auteur quelques signaux d’alerte : les nouvelles technologies nous deviennent peu ou prou étrangères ; notre approche ne change pas parce que « on a toujours fait comme ça » et puis c’est tout ; nous pensons risques plutôt qu’opportunités lors des prises de décision ; nos jeunes collaborateurs n’utilisent pas les mêmes outils que nous (Slack plutôt que les SMS, le smartphone plutôt que le PC) ; on ne propose que des stratégies éculées ; on affine d’anciennes solutions. Et les millenials nous traitent de « vieux schnock ». C’est en les écrivant que je m’aperçois que je n’ai pas tous ces signaux. Expert peut-être, c’est ce que semblent penser mes étudiants mais pas piégé. Peut-être justement parce que je me suis remis à apprendre. Le DUFRES fait partie pour moi des nouveautés : réfléchir dans le domaine des sciences de l’éducation quand on est généalogiste, c’est inhabituel. Un des premiers exercices obligatoires dans mes premiers 15 jours de cours a été de revenir sur mon parcours de formateur. Depuis quand suis-je formateur ? Est-ce qu’un formateur et un enseignant, c’est la même chose ? Comment je suis arrivé là ? Parce que j’ai vu de la lumière et que je suis entré ? Ou bien me faut-il prendre du recul et me poser les bonnes questions ?
Je me rends compte que je suis en train de m’exposer. A 52 ans, j’aurais pu continuer une vie tranquille de généalogiste. Ben non, c’est reparti pour m’asseoir sur les bancs de la fac (et ce n’est pas fini, j’ai d’autres envies de diplômes qui commencent à poindre mais il va me falloir aussi laisser la possibilité à Fabien d’en passer d’autres). De chargé de cours, je redeviens apprenant. Je vais bien sûr continuer d’accueillir des étudiants en stage dans le cadre de ma profession (et j’ai des demandes qui commencent à arriver tous azimuts : quatre cette semaine) mais je vais devoir aussi en faire un pendant 4 mois. Ce qui veut dire qu’il va me falloir réfléchir à comment, quand, avec qui, je les accueille mes stagiaires. Je sais par expérience que mes étudiants vont m’apprendre à leur tour. Je sais que Fabien, de par son expérience de juge-arbitre international de tennis, va aussi m’apprendre parce qu’il a une manière de travailler différente de moi, qu’il est nouveau dans le métier de généalogiste mais déjà impliqué à 200%. Je n’hésite d’ailleurs pas à lui laisser la main quand je sens ma timidité reprendre le dessus. Entre Anne, doctoresse en histoire et ancienne cantatrice baroque, lui, doué pour les langues, qui a un master 2 en Français Langue Etrangère, et moi, nous ne nous ressemblons pas. Nous ne pouvons qu’être créatifs de ce fait. Nous allons encore apprendre tous les trois, j’en suis persuadé. Cela ne va être que du bonheur en perspective. Une année de modifications, où je ne vais pas avoir le temps de m’ennuyer. J’adore !