Pour une fois, je vais vous faire une note OVNI par rapport à ce que j’écris d’habitude. Disons que j’ai vu à la télé, comme beaucoup sans doute, Le Monde de Narnia. Le personnage d’Edmund m’a de suite interpellé, interrogé. Je le trouve intéressant, complexe, très nuancé. J’ai fait une petite recherche sur Internet et on le présente souvent comme un traître repenti. Le généalogiste que je suis ne pouvait rester indifférent à cela : Qui Edmund Pevensie trahit-il vraiment ? Aslan, ses frère et soeurs ? Ou bien la Sorcière Blanche ? La question mérite d’être posée. Edmund est-il une personne fiable pour sa famille ? Quand Edmund va chercher la photo de son père, alors que les bombes tombent de partout, Peter pense qu’il désobéit à sa mère, qu’une fois de plus Edmund n’en fait qu’à sa tête, qu’il est un inconscient. Et si en fait, sauver la photo de son père des bombes était plus important que sa vie même ? Edmund repart dans la maison, au mépris des bombes, chercher la photo de son père en militaire. Pas un jouet, pas un doudou. La photo de son père ! Dans la cave, ainsi, toute la famille est réunie, en sécurité. Mais ce geste, ô combien symbolique, n’est pas reconnu. Je crois que c’est la raison pour laquelle il ment. Car qu’il mente ou qu’il dise la vérité ne change pas le regard familial. Alors pourquoi se forcer à dire la vérité ? L’épisode important pour comprendre cette trahison, à mon sens, est l’épisode où il rencontre la Sorcière Blanche. Edmund est considéré comme quelqu’un de peu fiable par sa famille. Ses véritables qualités ne semblent pas être reconnues. Edmund croît alors que, enfin, quelqu’un le considère comme important. Elle lui promet de le nommer Prince de Narnia. Sa parole sera supérieure à celle de ses frère et soeurs. Edmund n’attend que cela. Il boit ses paroles. Il les prend pour argent comptant. Quand ils sont tous les quatre à Narnia, il n’a qu’une envie : rejoindre la sorcière. Quel enfant n’aurait pas envie de voir se réaliser ses désirs ? En la rejoignant, il pourra se gaver de friandises, on l’écoutera enfin, il sera enfin considéré. Sauf qu’il comprend très vite qu’il n’est pas le favori attendu. Il est un prisonnier. A la place des loukoums espérés, il se retrouve avec des fers aux pieds, du pain et de l’eau gelée dans une tasse. Il s’est fait avoir ! Il donne bien des informations à la sorcière mais il n’a pas le pouvoir à lui tout seul de lutter contre elle. En même temps, il met en place tout le contexte pour que la prophétie s’accomplisse. S’il était traitre à Aslan, à sa famille, pourquoi l’enchaîner, le baillonner, le ligoter à un arbre ? Cela ne me semble pas logique. Un traitre est quelqu’un qui est considéré, qui fait un va-et-vient entre les deux camps en rapportant toujours de nouvelles informations pour que la victoire ne soit que d’un côté, pour que le camp qu’il trahit soit défait. Ce n’est pas le cas. Il n’est pas du camp de la sorcière blanche. Par contre, le fait d’aller chez la sorcière blanche oblige sa famille à rejoindre le camp d’Aslan et accomplir ainsi la prophétie. Edmund, par ce geste, redonne de l’espoir aux Narniens. Son geste est catalyseur de l’accomplissement du destin. La prophétie est en route, inéluctablement. Quand il est sauvé, qu’il revient au camp, Peter lui demande de ne plus se perdre en route quand il va se reposer. Il ne lui dit pas : Ne nous trahis plus. La nuance est importante. C’est la sorcière blanche qui emploie le terme de « traitre » la première. Il l’a trahie, elle et elle seule à mon avis, parce qu’il n’a pas tenu sa promesse de lui amener, dès le départ, ses frère et soeurs. Promesse qu’il lui avait faite lors de leur première rencontre. Je vous avais prévenu, un OVNI par rapport à mes écrits habituels. Mais cette question de la trahison ne m’a vraiment pas laissé indifférent. Si j’ai retenu quelque chose de ce film, c’est cette image-là. Peut-être parce qu’en tant que généalogiste, je ne peux concevoir qu’on puisse trahir sa famille. Peut-être parce qu’en tant que généalogiste, je me sens comme un passeur entre le monde des morts et celui des vivants, en faisant revivre d’une manière différente ceux qui nous ont précédé. Je voulais le partager avec vous parce que la généalogie, au sens le plus large possible, cela se niche parfois dans des recoins inattendus. Et que cette question me tournait autour depuis plusieurs semaines. C’est peut-être alors une manière de m’en débarasser. Allez savoir !