Ne vous est-il jamais arrivé de recevoir des courriers de personnes qui vous annoncent, avec tout le sérieux du monde :

-°Mon ancêtre est Jésus-Christ. Je me suis uniquement basé sur les recherches diffusées sur tel réseau social et si, si, je vous assure, mon ancêtre est Jésus-Christ. Est-ce que vous pouvez maintenant me le prouver ? Parce que j’ai besoin de preuves.

-°Euh… Alors… Comment dire ? … Cela va être compliqué, mon bon monsieur (ou ma bonne dame). Envoyez-moi déjà ce que vous avez trouvé, que je puisse voir ce qu’en disent les historiens et généalogistes s’intéressant aux généalogies du Moyen Âge et de l’Antiquité.

Et souvent, entre ce qu’ont cherché les historiens sérieux, s’appuyant sur des preuves pour baser leurs hypothèses et ce qui est envoyé par la personne, il y a parfois un gouffre intersidéral, quasi « il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, fort lointaine », voire des raccourcis historiques qui courent façon Bipbip poursuivi par Vil Coyote. VROUMMMMMMMM ! Et notre raccourci a réalisé le 19e temps qualificatif en 1 minute 19 secondes 332 malgré un ouragan de classe 4 avec des vents pouvant atteindre les 250 km/h qui a envoyé valdinguer ses concurrents les plus sérieux dans le bac à sable. Mais quel exploit, messieurs-dames, quel exploit ! Bref… Comme si on pouvait faire dire n’importe quoi aux généalogies médiévales ou antiques. Ben non ! Hélas ! Il faut rester dans le sérieux, malgré l’éloignement dans le temps.

Cela me fait penser à une autre histoire, un courrier reçu un jour provenant d’un Américaine dont l’ancêtre, breton 100% pur jus, qui pour épouser une jeune fille issue d’une famille au-dessus de son niveau social s’était inventé une généalogie et un blason. Il était ainsi devenu le fils naturel de Marie de Foix, qui lui avait donné son nom, transformé en Fouché. Elle-même était fille de Gaston de Bourbon-Condé et d’Agnès d’Autriche. Cette dernière était la sœur jumelle de la reine Anne d’Autriche, élevée dans la religion protestante en secret tout en restant une fille du Roi d’Espagne, roi catholique s’il en est. Si Anne d’Autriche était née en Espagne, sa sœur jumelle était née selon lui en Irlande. Vous imaginez donc la reine d’Espagne en train d’accoucher en plein dans les terres, parce que Valladolid n’est pas vraiment un port, entourée de sa cour, dire à celle-ci en plein effort, façon envie de fraises soudaine à 4h 22 du matin : « STOP ! ARRETEZ-TOUT ! Et si j’accouchais de mon deuxième enfant en Irlande ? En voila une idée qu’elle est bonne ! Tout le monde aux bateaux, direction l’Irlande. Mon enfant, il va falloir patienter avant de sortir ! ». C’est cela oui !

Quant à Gaston de Bourbon-Condé, sa mère s’appelait Marie de Médici (sans le S final) mais sœur bâtarde de la Reine portant le même nom qu’elle (avec un S final à son nom), excusez du peu. Beau-papa, au vu de sa généalogie, avait illico presto accordé la main de sa fifille adorée, qui ne se prénommait pas Ariel pourtant, au jeune homme avec des ancêtres si prestigieux, qui ne portait pas non plus le prénom d’Éric, faut pas croire. Il ne pouvait la lui refuser. Il était apparenté aux Rois de France, tout de même. On ne refusait pas sa main à un cousin du roi. M’enfin ! Cela ne se fait pas !

Et mon Américaine me demandait des preuves historiques de cette généalogie. Mais bien sûr ! Bonjour le salmigondis façon gloubi-boulga ou ragougnasse ! Et si on y rajoutait des saucisses de Toulouse tièdes mais crues, hein ! On essaie alors d’éviter de devenir le François Vatel de la généalogie et que le client le devienne aussi. François Vatel, vous connaissez ? Oui ? Non ? Bon, petit rappel historique au cas où :  il s’est suicidé lors de la grande fête organisée en présence du roi par le prince de Condé en l’honneur de la fin des travaux du château de Chantilly le vendredi 24 avril 1671, parce que sa commande de poisson, pour plusieurs centaines de personnes, pour le repas de ce jour maigre n’était pas arrivée à l’heure prévue. Vous imaginez l’état d’esprit dans lequel on peut être, vingt dieux ! Parce que… Comment dire… C’est difficile et épuisant de lire ce type de généalogie qui arrive. Si Anne d’Autriche avait une sœur jumelle protestante née en Irlande, je pense que les généalogies des Habsbourg le sauraient car ça aurait jaser dans les palais. Idem pour la famille des Médicis. Mais mon Américaine y croyait dur comme du fer, son ancêtre n’avait pu mentir à ce point-là, prête à le jurer sur les Évangiles, juré, craché comme le Naib Stilgar par marque de respect le fait devant Léto le Juste. Ben si ma bonne dame ! Ben si, hélas ! Elle était très déçue.

J’avoue que dans ces cas-là j’ai envie de souvent jeter la généalogie dans la poubelle (ah le tri vertical quel bonheur !) parce que… Comment expliquer que tout cela est un ramassis de légendes à la personne qui me l’envoie pour vérification ? Faut-il casser le mythe que la personne, souvent âgée voire très âgée, s’est créée ? C’est le moment d’être pédagogue sans lui rire au visage, cela ne se fait pas. Pas simple !