Le 9 mai 1657, devant notaire, Louis de Toulouse-Lautrec, seigneur de Saint-Germier, fils de Marc-Antoine de Toulouse-Lautrec et de Jeanne de Tignol, passe un contrat de mariage avec Jeanne Albié, fille de Jean Albié, conseiller du Roi, receveur des tailles au diocèse de Castres, et de Marguerite de Rey. Voilà ce que nous disent les ouvrages sur la famille de Toulouse-Lautrec .

 

Oui… Mais… Allons à la source ! Le contrat a été rédigé par Me Pierre Bouffard, notaire de Castres (AD 81, 6 E 18/68, folio 290). Et voyons ce qu’il nous dit.

 

Le mariage doit être célébré selon les rites de la religion prétendue réformée.  L’épouse reçoit 6000 livres du chef paternel, 2000 livres du chef maternel. 1000 livres seront données en robes, bagues et joyaux pendant les fiançailles, 7000 livres seront payées le lendemain des noces. Son père lui donne aussi une paire de coffres et bahuts, le jour avant les noces.

 

Jean Albié, grand-père, promet à sa petite-fille la somme de 2000 livres qu’elle touchera après son décès ainsi que la portion qui peut lui compéter tant du principal qu’en intérêts et dépens de l’obligation contractée en sa faveur par les sieurs Benezous et Sausaze, habitant Saint Pons de Thomières, le 24 février 1644 devant Me Jean Fournials, notaire de Castres.

 

Elle reçoit en outre un augment de 5000 livres. L’augment est une somme donnée par le mari à sa future en cas de prédécès.

 

Pour ce qui est de l’époux, son père lui confirme la donation qu’il a faite dans son propre contrat de mariage avec Jeanne de Tignol le 17 avril 1636 devant Me Belleval, notaire de Teyssode, contrat insinué en la cour du Sénéchal de Carcassonne et il lui donne tous ses autres biens.

 

Le père se réserve la nourriture et l’entretènement (c’est-à-dire l’entretien) de lui, de sa femme et de ses autres enfants dans la maison de son fils sa vie durant. S’il prédécède, Jeanne de Tignol aura droit à 150 livres de pension annuelle, payée par son fils bien évidemment.

 

Louis de Toulouse-Lautrec fait la même donation que celle faite par son père à un des enfants procréés dudit mariage tel qu’il lui plaira d’élire.

 

Quand je lis le contrat, je me rends compte que toutes les marges sont écrites.  Je me dis « chouette, j’ai toutes les quittances de dot ! Cool ! » Que nenni ! Mais alors point du tout !

 

En fait, entre le 22 octobre 1658 et le 5 décembre 1658, Louis de Toulouse-Lautrec n’a cessé de demander ce qu’on appelle à l’époque la cancellation de ce contrat de mariage. C’est-à-dire l’annulation pure et simple. Tout bien réfléchi, Jeanne Albié, il n’en veut pas !  Et la justice s’en mêle.

 

Certes, Jean Albié a commencé à payer la dot (petitement : 503 livres). Mais qu’à cela ne tienne ! Louis de Toulouse-Lautrec promet la lui rendre par le biais de 167 louis d’argent de trois livres chacun et quarante sols. Comme Jean Albié les lui refuse, ils sont consignés entre les mains de Paul de La Bauve, avocat en la cour de la chambre de l’Edit de Castres.

Jean Albié est assigné devant la cour ? Deux fois il ne daigne pas s’y présenter. Sa fille épousera Louis de Toulouse-Lautrec et puis c’est tout !

 

5 décembre 1658, on ne lui laisse pas le choix. Bon gré mal gré, Jean Albié signe la cancellation du mariage.  Il n’aura donc pas lieu ! Louis de Toulouse-Lautrec respire ! La bataille a été rude mais il l’a gagné !

 

Vous pensiez que cela en était fini de l’histoire ? Point du tout ! Louis de Toulouse-Lautrec et Jeanne Albié se sont bel et bien mariés. Quand ? Je ne le sais pas. Il doit exister un autre contrat de mariage chez un autre notaire après cette date.  Mais ils se sont bien mariés. J’ai trouvé plusieurs actes après cette date dans lesquels Jeanne d’Albié est qualifiée d’épouse de Louis de Toulouse-Lautrec, seigneur de Saint Germier.

 

Le couple n’a pas eu d’enfants.  Mais Louis de Toulouse-Lautrec est allé par contre de conquête en conquête, d’amours ancillaires en amours bohémiennes. Pour se venger de cette épouse imposée bien malgré lui ? Peut-être Comment a-t-elle pris le fait de voir son mari courir le guilledou sous son propre toit ? Nul ne le sait. Les archives n’en ont pas gardé trace.

 

Ainsi, en 1678, il marie sa fille aînée, née d’une mère inconnue, prénommée Delphine, avec Pierre Bruguière. Jeanne d’Albié, contre mauvaise fortune bon coeur, lui fera une dot.

D’Esther Neno, il aura une fille prénommée Catherine, mariée en 1698 à Guillaume Gavanou (et c’est sa veuve en secondes noces, Anne Méllier, qui aura obligation de la doter).

De Catherine Lavallée, qualifiée de bohémienne, naîtra en 1684 Claire sur la commune de Peyregoux.

De Claire Laffleur, il aura une autre Catherine, mariée d’abord avec Jean Larroque puis en en 1719 avec Antoine-Louis Julien.

Et enfin dans son testament de 1694, il nomme une autre fille, Marguerite, sans dire là encore qui est sa mère.

 

Vous avez dit : amour ?