Je suis en train de corriger les mémoires de mes étudiants. Pour la plupart, ils ont respecté les consignes, les différences vont se jouer à très peu. Très très peu. Voire à quasiment rien ! Les départager, mettre des notes différentes à chacun risque d’être compliqué. Mais je ne peux pas non plus mettre des notes identiques à tous. Avec quoi vais-je les différencier ? Certainement pas avec la présentation. Si la photocopie est à l’envers ou à l’endroit, trop sombre ou trop claire. Cela m’agaçait profondément quand j’étais étudiant ou dans une chambre syndicale qu’on puisse vérifier les compétences de quelqu’un à ces détails, je ne vais pas me mettre maintenant à faire pareil. Quoique… Mettre des notes identiques, en quoi est-ce vraiment gênant ? Il faudra que j’en parle à mes amis professeurs, qu’ils me disent ce qu’ils en pensent en terme de notation. Et à un moment, en lisant le mémoire sur la famille Hugounenq : surprise ! La famille est originaire du côté d’Avène dans l’Hérault. Et là, je tombe sur le village (tarnais) d’où sont issus mes ancêtres maternels, sur lequel j’ai réalisé mon mémoire de maîtrise d’histoire et de DEA en ethnologie de la famille : Cadix, à côté de Valence d’Albigeois. Là où j’ai des souvenirs aussi mémorables que mon élève dans son village des Plans. Notamment un goûter chez Julia, la nièce de mon grand-père où, à 4 h de l’après-midi, elle nous a sorti le poulet du tiroir de la table où il refroidissait. Cela nous a un peu surpris, mes frères et moi. Quand elle nous a demandé si nous voulions goûter, et que nous avions répondu oui, nous avions pensé à tout. Sauf à ça ! Cadix… J’ai vraiment un attachement particulier à ce village. C’est ma terre ! Voir le châtaignier des années 1600 qui a donné son nom au hameau de mes ancêtres au détour d’un virage me fait toujours autant d’effet. Le souffle qui se coupe. Presque la larme à l’oeil. C’est chez moi, et pas seulement parce que j’y ai des cousins encore ou parce que je connais ce hameau, chacune de ses maisons. Peut-être parce que mon grand-père nous parlait de son hameau natal avec beaucoup d’amour dans sa voix, parce que retourner chez lui, l’accompagner à pied ou pas, vers Cadix était émouvant. Il m’a laissé l’empreinte de son village dans la mémoire. Il n’a pas su que je travaillais sur son village, il était décédé avant. Mais je sais que cela lui aurait fait extrêmement plaisir. Quand j’ai fait mes enquêtes, j’y suis allé en me présentant comme le petit-fils de Célestou Nègre. Pour les familles anciennes, je n’avais pas besoin d’en dire plus. Pour les autres, je rajoutais que j’étais le petit-neveu d’Albin, l’ancien maire. Toutes les portes du village m’ont été ouvertes. Mes recherches, je sais maintenant que je les ai faites pour lui. Lire les souvenirs d’enfance de mon étudiante dans le village de son grand-père, les amitiés indéfectibles mises en place, me faisaient déjà pensé à mon grand-père. Et paf ! Voilà Cadix qui apparaît au détour d’une page. Comme quoi, le monde est vraiment petit !