Je ne pousse pas souvent des coups de gueule mais l’appel de cet après-midi m’a profondément énervé. Un journaliste m’appelle : il veut faire un reportage sur les généalogistes et veut en discuter avec moi car il cherche des généalogistes qui accepteraient de présenter leur travail devant une caméra. Je commence par lui dire qu’il existe deux types de généalogistes : les familiaux et les successoraux. Erreur de ma part, ou peut-être pas, en tout cas la conversation a tout d’un coup changé. En effet, il ne cherche que des généalogistes successoraux. L’autre partie de la profession, il s’en tamponne le cristallin. Pourquoi que des généalogistes successoraux ? Parce qu’en révélant des successions, ils apportent des trésors aux gens. N’importe quoi ! Ils apportent des trésors aux gens. Qu’est-ce qu’il faut pas attendre ! Puisque nous sommes sur la version « trésor », j’en profite pour glisser qu’ils ne sont pas les seuls. Et je parle d’un de mes dossiers où je suis en train d’aider une personne à renouer avec son passé, ses origines, son histoire de vie, à le re-ancrer, où nous sommes dans l’émotionnel pur. Une histoire d’accompagnement, où les liens se reforment. Un truc fort, il me semble. Certes, mais je ne suis pas un successoral qui apporte un trésor aux gens. Vous savez quoi, il y a des claques qui se perdent parfois. La généalogie, en tant que recherche des ancêtres, est le loisir culturel qui monte. 1/12e des Français s’y intéressent selon les dernières statistiques. 1/12e de la population, ce n’est pas rien quand même. Nous sommes dans une période de crise où nos recherches permettent de re-ancrer les personnes dans leur vie, parce qu’actuellement quand même la seule chose qui ne bouge définitivement plus ce sont bien nos ancêtres. Nous sommes en période de crise et côté travail, personnellement, je ne sais plus où donner de la tête. J’ai actuellement plus de 30 dossiers à suivre. J’ai des demandes qui arrivent pas tous les jours mais presque, en tout cas plusieurs par semaine. Cela a bien une signification. En quoi rechercher les ancêtres rassure ? Je fais cette profession, sur le terrain, depuis 9 ans et j’ai des clients qui me sont fidèles depuis ce temps. C’est bien que mon travail leur apporte quelque chose d’autre que du matériel. Quel est le rôle, la plus-value du généalogiste familial professionnel, qui est aussi un homme de terrain, qui a aussi le nez dans les archives ? Et le journaliste, ce qui l’intéresse, c’est le successoral qui, à un moment donné, va apporter un peu d’argent à une personne, hérité d’une autre personne qu’elle n’a peut-être jamais fréquentée. Ce sera le seul contact qu’ils auront sans doute de toute leur vie. Je ne crois pas que cela va changer la vie de celui qui hérite. C’est pas le gagnant du loto. Mais c’est cela qui intéresse le journaliste. C’est quoi ? Le côté Indiana Jones de la généalogie qui le fait fantasmer ? Un généalogiste successoral cela parcourt le monde à la recherche de l’héritier perdu ? Je n’ai jamais vu un successoral arriver en salle d’archives le fouet à la ceinture, blouson de cuir et fedora usé, barbe de trois jours et la cicatrice virile au menton. Pas le genre de la maison. Bref, qu’est-ce qui fait qu’à un moment un journaliste ne s’intéresse pas au côté sociologique de la généalogie et ne voit que le côté matérialiste ? Je ne sais pas.