Avez-vous remarqué comment une nouvelle famille s’intégre dans un village ? C’est parfois très intéressant. Cela peut être aussi riche d’enseignements. Voyons comment par le biais d’un exemple réel. Prenons le cas de Jean Bancal. Originaire du côté de Decazeville, dans l’Aveyron, diocèse de Rodez, il est prêtre et nommé curé à côté de Sainte Foy d’Aigrefeuille, dans la Haute-Garonne, diocèse de Toulouse. Pas vraiment son secteur. Il essaie de se rapprocher de sa famille. Il est nommé alors à Guitalens, dans le Tarn, diocèse de Lavaur, quelques années plus tard. Mais il n’y reste pas et va dans une autre paroisse, toujours dans le même diocèse, à Saint Barthélémy de Montpella. Là, il y reste, et commence à bien connaître ses ouailles, leurs niveaux de fortune. Jean Bancal est d’une famille de marchands. Il a repéré une vieille famille de marchands dans sa paroisse qui a des filles à marier. Il fait venir son neveu de son village d’origine : Antoine. Jean Bancal rapproche son neveu de cette famille, propose d’abord une association très mercantile, afin que son neveu fasse ses preuves auprès de son futur beau-père. Puis le moment venu, le mariage est conclu. Antoine n’était plus vraiment un étranger. Première alliance dans la paroisse de Montpella. Antoine Bancal habite donc Saint Barthélémy de Montpella. Mais son mariage est sans postérité. Il lui faut pourtant un héritier pour que ses affaires ne périclitent pas. Un de ses beaux-frères décède, laissant des filles en bas-âge dont Antoine Bancal est nommé tuteur. Et si la solution était là ? Antoine fait venir un de ses neveux : Astorg, qui habite toujours son village d’origine. Il le forme au métier de marchand et dès qu’une des nièces de sa femme est suffisamment grandette, il lui fait épouser son neveu à lui. Deuxième alliance dans la paroisse de Montpella. La femme d’Astorg décède en couches. De leur union, il ne reste qu’un garçon en vie. Astog Bancal a accru la fortune familiale. Il a fait des achats de terre, a deux grandes propriétés auxquelles il a donné son nom. Il peut rechercher une alliance un peu plus riche et va chercher la fille d’un petit nobliau en manque de fortune. Troisième alliance dans la paroisse de Montpella. Il en sera de même pour ses descendants. La famille, de ce fait, n’est plus qualifiée d’étrangère. Ses origines ont été oubliées. Ils ont été intégré par le jeu des alliances. On le voit, ces différents mariages permettent d’ancrer une lignée nouvellement installée dans le réseau nuptial du village. Un autre avantage consiste à faciliter l’entraide en cas de difficulté majeure. Enfin, c’est aussi une manière de se protéger en cas d’attaques de lointains cousins (dans nos sociétés occidentales, l’attaque est plus souvent juridique que véritablement physique). Les alliés servent alors de boucliers de défense. Il s’agit de stratégies d’intégration. Elles permettent de gommer les différences, l’origine étrangère et ouvrent plus rapidement les alliances. Cela se rapproche de ce que certains ethnologues ont appelé la maison-pivot. Une lignée plus fortunée que les autres accueille chez elle des cousins pauvres comme domestiques. Ils lient ainsi mieux connaissance et la branche riche envisage de les caser avec des cadets ou des héritiers d’oustal de même niveau de vie qu’elle. Le salaire versé se transforme alors en dot potentielle. La branche riche sait qu’ainsi elle fidélise ses cousins pauvres puisqu’elle les marie avec des familles que leur niveau de vie initial rendaient inaccessibles. Elle sait aussi qu’ainsi elle pourra compter sur une aide quasi-aveugle de ceux-ci en cas de problème économique dans l’avenir.