J’aimerais revenir sur un point. Il me semble qu’il y a deux écoles sur le point de se mettre en place à propos de la généalogie. L’une d’elles justifierait ses prix en partant du principe que faire faire sa généalogie est une sorte de luxe. L’autre part plutôt du principe qu’il s’agit d’une recherche personnelle et que cela n’a pas besoin d’être forcément cher. Ce qui compte, c’est la démarche. Mais essayons d’abord de définir ce qu’est le luxe. Le luxe, c’est quelque chose de superflu, ni nécessaire, ni utile. En ce sens, la généalogie peut être considérée comme un luxe. Mais n’est-ce que cela ? Le luxe c’est quelque chose qui est porteur de tradition. La généalogie aussi. Mais s’arrêter à cette définition n’est toujours pas suffisant. Le luxe, cela change selon les modes et le goût. Pas la généalogie. Elle s’est installée il y a une trentaine d’années de manière démocratique et les méthodes n’ont pas changé depuis des lustres ou presque. Seuls les outils de recherche se sont modifiés. Le luxe, cela procure du plaisir, de l’émotion. La généalogie aussi. C’est, il me semble, une des raisons pour lesquelles on parle de virus. Une fois qu’on l’a, on ne peut plus s’en séparer. Le luxe, cela a un côté inacessible qui le rend désirable. La généalogie n’est pas vraiment inaccessible. Du moment qu’on a l’envie, un peu de méthodologie, c’est parfaitement accessible. Ce qui est complètement inaccessible, un véritable mythe par contre, c’est de croire qu’un jour, on aura tous ses ancêtres, que la recherche sera finie. Ce ne sera jamais le cas. Il me semble donc que la généalogie n’est pas un produit de luxe. Pour Martine Segalen, la généalogie est en passe de devenir un fait social. La généalogie, c’est d’abord une construction : on choisit toujours les ancêtres avec qui on souhaite s’identifier. Il y a selon elle une part d’autobiographie dans l’inscription mémoriale. Elle concerne actuellement une population à la mémoire cassée, ce que j’appelle personnellement les « déracinés ». La généaloige, c’est un périple imaginaire et c’est dans ce périple que l’émotion surgit. Mais il n’est pas sûr que ce plaisir soit transmissible de génération en génération, que cette recherche perdure comme elle perdure dans d’autres classes sociales où on vit au milieu de ses ancêtres. Je ne suis pas sûr, de ce fait, qu’il faille lui appliquer des tarifs qui, personnellement, me semblent des tarifs luxueux. Pour moi, c’est un plaisir très démocratique. La tarification doit être en accord avec ce principe de démocratie. Ce qui veut dire aussi occuper le terrain autrement pour que l’on puisse correctement en vivre.