Mes étudiants, parfois, ou d’autres généalogistes qui m’écrivent, râlent parce que l’acte de décès ne donne pas les causes de la mort et qu’ils aimeraient bien la connaître.

L’article 79 du Code civil nous dit pourtant que l’acte de décès énonce uniquement :

1° Le jour, l’heure et le lieu de décès ;

2° Les prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile de la personne décédée ;

3° Les prénoms, noms, professions et domiciles de ses père et mère ;

4° Les prénoms et nom de l’autre époux, si la personne décédée était mariée, veuve ou divorcée ;

4° bis Les prénoms et nom de l’autre partenaire, si la personne décédée était liée par un pacte civil de solidarité ;

5° Les prénoms, nom, âge, profession et domicile du déclarant et, s’il y a lieu, son degré de parenté avec la personne décédée.

Le tout, autant qu’on pourra le savoir. Rien donc sur les causes de la mort, qu’elle soit naturelle ou pas. Et l’article 85 du même Code civil nous en rajoute une couche, au cas où nous n’aurions pas compris : « Dans tous les cas de mort violente ou survenue dans un établissement pénitentiaire, il ne sera fait sur les registres aucune mention de ces circonstances, et les actes de décès seront simplement rédigés dans les formes prescrites par l’article 79. ».

Ite missa est. Ou presque ! C’est vrai quoi ! Où avez-vous un généalogiste ne pas se poser de questions et essayer de trouver les réponses à celles-ci ? Comme je suis en train de lire les mémoires de mes étudiants, je vais prendre l’exemple donné par une de mes étudiantes : Céline Lecomte-Izard. Merci à elle car l’exemple est vraiment excellent. Vous allez comprendre assez vite qu’il ne faut jamais se décourager.

Si vraiment on veut les connaître, ces fameuses causes de la mort, une des solutions peut être la consultation de la presse. On ne sait jamais, les circonstances de celle-ci peuvent être relatées. Regardez ce qu’il en est de ce pauvre Monsieur Marcel Couchot des Forges, décédé le 6 décembre 1941 à Cholet, à 23h. Son acte de décès nous dit qu’il est fils de Fernand Couchot des Forges et de Marie Eugénie Goizet, qu’il se prénomme Marcel Fernand Eugène, qu’il est né le 1er décembre 1892 à La Possonnière, qu’il est époux de Marie Thérèse Angélina Henriette Bidet et qu’il est domicilié boulevard Gustave Richard à Cholet. Il est donc âgé de 49 ans à sa mort. Rien que de très banal. Je passe sur les déclarants du décès volontairement.

Mais Marcel Couchot des Forges décède d’une manière peu banale. C’est l’intérêt choletais et le petit courrier, deux journaux locaux, qui nous l’apprennent. En fait, vers 19h 30, le vendredi 5 décembre, Monsieur rentre chez lui. Les escaliers ont été cirés. Ses chaussures sont-elles humides ? Est-il pressé de dire le bonsoir à sa femme ? Veut-il lui annoncer une nouvelle ? Nous ne le saurons jamais.

Le tout est qu’il rate une marche et tombe à la renverse. Il glisse dans les escaliers, sa tête passe entre deux des barreaux en bois de la rampe et il se fracasse le crâne. Au vu du bruit, des cris, la maisonnée est tout en émois et appelle le médecin qui, se rendant compte de la gravité des blessures, va derechef chercher un de ses confrères. Tout secours de la science est malheureusement inutile. Si ce n’est le porter dans son lit et le veiller en priant, il n’y a plus grand-chose à faire. Hélas ! Il décèdera dans la nuit du samedi au dimanche.

De l’utilité de ne pas se contenter que de l’état civil, mais d’aller consulter d’autres sources complémentaires. D’être curieux en fait ! Pour une fois que celle-ci est une qualité, autant en profiter ! Merci à elle de l’avoir été. C’est toujours agréable à lire. Cela donne de la vie, même si cela peut sembler anecdotique. Comme je leu leur serine à en radoter parfois : nous ne sommes pas que des dates et des lieux. Nous avons une vie et nous aimerions que ces traces que nous laissons, nos enfants plus tard, d’une manière ou d’une autre, s’en souviennent. Alors pourquoi nos ancêtres ne seraient-ils que des noms et des dates ? Eux aussi nous murmurent au creux de l’oreille comme n’hésite pas à le faire le professeur John « Capitaine ! Mon capitaine ! » Keating à ses étudiants devant la vitrine des anciens dans « le cercle des poètes disparus » de Peter Weir.