« C’est par ma seule volonté que mon esprit se meut, c’est par l’élixir de Sapho que la pensée s’accélère, les lèvres se tâchent, les tâches deviennent mises en garde. C’est par ma seule volonté que mon esprit se meut. »
Dans le film de David Lynch, c’est par ces phrases que nous faisons connaissance, je crois, de Piter de Vries, le mentat-assassin de la famille Harkonnen. Des phrases importantes s’il en est. J’en ai fait l’expérience pendant mes trois mois d’arrêt maladie et maintenant que je suis en rééducation, que je dois réveiller mon corps. Je tente des expériences avec ce corps qui a été en arrêt forcé pendant trois mois. J’essaie. Si j’en suis capable, alors je continue. Si cela me fait trop mal, je ne risque pas plus loin, je me dis que je reprendrais plus tard, quand j’aurais plus de forces. Et j’avance petit à petit. Chaque jour a sa petite victoire vers mon retour à l’autonomie. Cela peut vous paraître dérisoire mais chacune est importante.
Avancer petit à petit. Il en est de même au niveau de mon travail, quand on est à son compte, indépendant comme je le suis. Tenter une petite expérience après l’autre. Ne jamais se fixer des objectifs trop ambitieux. Inatteignables. Parce que c’est le meilleur moyen de se décourager. De perdre son entrain et sa motivation. Effectuer des vérifications : est-ce que je suis capable de faire cela ? Apporter à chaque fois de petites modifications pour pouvoir s’améliorer, de petits réglages. Mais avancer. Toujours !
Ainsi, après avoir fait de la sous-traitance successorale pendant plusieurs années, nous allons, ma collaboratrice et moi, le faire à notre propre compte. Pendant les années de sous-traitance, nous avons apporté ces petits réglages pour pouvoir nous améliorer. Je ne remercierais jamais assez mon ancien associé de nous y avoir amené. Mais nous ne sommes ni elle ni moi des juristes. Nous avons des profils de chercheurs. Alors, si cela m’est possible, je vais essayer d’apporter un nouveau réglage. Je me donne au moins un an pour pouvoir y arriver. Pour le moment, j’en suis à la prise de contact après avoir longuement réfléchi pendant mes trois mois d’arrêt maladie. J’ai écrit aussi sur ce sujet, faisant le point sur ce que j’étais capable de faire ou pas, revenant sur ces expériences. C’est là où je me suis rendu compte qu’il me fallait peut-être apprendre à parler le même langage que les notaires. Mais comment l’apprendre ? Peut-être que passer un nouveau diplôme, uniquement via la VAE car j’ai vu avec mon dernier diplôme en présentiel le coût de la fatigue engendrée, serait une possibilité. Oui mais lequel ? J’ai réduit mes ambitions. Peut-être une licence professionnelle, comme celle proposée à l’université de Nîmes ?
Cela ne veut pas dire que j’arrêterais les prestations que je propose jusqu’à présent et depuis de nombreuses années pour ne faire que cela. Il n’en est pas question, je suis un chercheur. Un vrai de vrai, j’ai la recherche tatouée sur ma peau de généalogiste… L’empathie que je ressens pour mes clients familiaux, je veux continuer à la ressentir. Elle me nourrit, beaucoup. Mais ce serait plutôt ajouter une nouvelle prestation.
Toujours dans le film de David Lynch, à un moment, alors qu’ils sont toujours sur Caladan, qu’ils ont accepté le défi de prendre le contrôle d’Arrakis à la place des Harkonnen, leurs ennemis depuis toujours, le duc Léto convoque dehors sous la pluie son fils Paul. Il lui dit alors ceci, après avoir regardé la mer et constaté que celle-ci va lui manquer :
« Il faut vivre de nouvelles expériences. Elles créent au fond de nous des modifications qui nous permettent de nous grandir. Il faut changer sinon quelque chose sommeille en nous qui rarement se réveille. Le dormeur doit se réveiller ».
Paul se souviendra longtemps de ses paroles, une fois sur Arrakis, quand il deviendra Muad’Dib.
Peut-être que, pour moi, il est temps de sortir de ma léthargie après ces trois mois d’arrêt faisant suite au départ difficile de mon associé. Ce fut une année compliquée. Me lancer un nouveau défi qui ne soit pas insurmontable est peut-être le moyen de me trouver un nouveau départ. Trouver en quoi les modifications apportées par ces expériences, avec les conséquences physiques créées inévitablement, ont permis de me grandir, professionnellement parlant. Réveiller en douceur ce qui sommeille en moi, la confiance. Continuons dans les citations, plus philosophique celle-ci car empruntée à Spinoza, de ce que j’ai pu lire :
« Avoir confiance en soi, c’est ressentir une joie qui se répète toutes les fois que l’homme contemple ses vertus, autrement dit sa puissance d’agir. (Éthique). Cette satisfaction de soi-même (ou amour-propre) s’oppose à l’humilité, qui naît de la contemplation de ses faiblesses. »
Au cours de mon dernier diplôme, j’ai fait la connaissance d’Albert Bandura et de son sentiment d’efficacité personnelle. Mon DU de responsable de formation et mon arrêt maladie m’ont permis de me rendre enfin compte de ce que je faisais passer en plus des cours à mes étudiants. Il était temps après douze années de professorat ! Mais j’ai pris confiance en moi, définitivement j’espère. Anne va me permettre désormais d’apporter des modifications formelles. Passer des diplômes est sans doute ma manière de me rassurer et de me dire que je suis quelqu’un d’efficace, d’éviter de me remettre perpétuellement en cause. Alors si j’ai besoin de cette rassurance, allons-y ! Réveillons le dormeur !