Quand, il y a quatre ans, j’ai suivi à l’Université d’Avignon mon DU de responsable de formation, une des UE s’intitulait « Groupe d’Analyse de la Pratique Professionnelle – GAPP ». De quoi s’agit-il ? Ces ateliers d’analyse des pratiques étaient mis en place régulièrement tout au long de notre parcours formatif. Ils contribuaient à l’apprentissage de la bonne posture, à son amélioration, en sollicitant chez nous, apprenants, l’adoption d’une pensée réflexive à partir d’un double mouvement d’implication et de distanciation. En tant que lieu de libération de la parole et de soutien par les membres du groupe que nous formions, cet atelier offrait aussi la possibilité de vivre un accompagnement collectif.

Cet atelier était un processus en plusieurs étapes structurant la parole, l’écoute, le questionnement, la réflexion ainsi qu’une synthèse incitant à l’action. Il se fondait sur les capacités à :

1/S’impliquer en mettant son propre appareil psychique à la disposition du groupe pour faire avancer l’intelligibilité d’une situation.

2/Vivre la confidentialité afin d’assurer celui qui parlait que ses propos ne seraient pas soumis à évaluation.

3/Ecouter sans porter de jugement et vivre une solidarité active avec celui qui exposait son cas.

4/Sentir les résonances se produisant en soi lors du dire des différents membres du groupe.

5/Mettre de la distance entre le cas dont on peut être porteur et notre Moi.

Quelle est notre posture professionnelle ? Comment pouvons-nous la changer ? Quelle est la logique institutionnelle et qu’amène-t-elle comme changements en nous ? Avons-nous une fiche de poste vraiment définie ? Prenons-nous en considération l’humain ? Quelle est notre éthique ? Ecoutons-nous les besoins de la personne en face et y répondons-nous ? Quelles sont nos valeurs et communiquons-nous sur elles ?

Lors de la formation, nous nous rendions compte que nous avions déjà des acquis. Les mettions-nous en pratique dans notre emploi, dans nos recherches ? Comment la formation continue peut-elle valider ou aider à faire reconnaitre une profession ? Est-il difficile de théoriser en dehors de la représentation du métier ? Voici les questions que le psychologue chargé de mener à bien ce groupe de paroles nous posait.

Sur LinkedIn, nous nous sommes posés des questions relativement proches de celles-ci avec d’autres généalogistes professionnels. Il n’est parfois pas simple d’annoncer certaines vérités tirées de documents. Une prestation généalogique demande toujours d’accompagner son client. Parfois, on tombe sur « l’archive qui tue ». Il faut alors beaucoup de tact pour la restituer. C’est un sujet dont les généalogistes professionnels ne parlent pas assez souvent : Comment gérer la douleur en généalogie familiale ?

Il y a plusieurs douleurs pour nos clients : celle qui fait qu’ils nous contactent parce qu’il existe un vide dans leur vie et qu’il leur est nécessaire de le remplir. Celle qu’ils peuvent connaître quand ils connaissent des vérités auxquelles ils ne s’attendaient pas et qu’il leur faut accepter, avec notre aide ou pas. Le client est assuré de grandir et mûrir après de telles découvertes. Ou pas…et partir en claquant la porte. Cela lui appartient, c’est son histoire familiale.

Peut-être serait-il utile de mettre en place pour nous aussi ces GAPP ? Avec l’aide de comédiens et de psychologues. Se mettre dans la peau de nos clients peut être très enrichissant pour nous. Sommes-nous suffisamment clairs, pédagogiques et empathiques ? Au-delà de ça, il y a peut-être de mauvaises façons de faire quand nous devons annoncer des résultats difficiles pour nos clients.

Comment bien annoncer à un client qu’une de ses ancêtres est une prostituée ? Une bagnarde ? Une fugueuse qui a suivi, dans un parc, de nuit, un vieux monsieur qui lui proposait des bonbons ? Voire que son ancêtre est ce vieux monsieur pervers qui a toujours été encensé dans la famille pour une autre raison et que là, en apprenant cela, on sait qu’il va tomber de très haut ? Que non, il n’est pas d’origine espagnole comme il le croyait depuis toujours mais issu d’un enfant abandonné à qui on a donné un nom tiré de la conjugaison d’un verbe latin parce que le gamin gazouillait quand il a été trouvé dans le tour par les religieuses ? Pour ne prendre que des exemples tirés de mon expérience personnelle de généalogiste professionnel.

Possédons-nous tout le tact pour cela ? Ne serait-il pas intéressant de travailler ce qu’on n’apprend pas en cours de généalogie : la parole, l’attitude, la présence, le toucher, le regard ?