Je dis souvent à mes étudiants d’apprendre les formules des notaires. Quand ils transcrivent un texte, s’ils connaissent ces formules, un mot repéré et le reste se déroule tout seul. Ainsi ils peuvent se concentrer uniquement ou presque sur les parties qui sont vraiment propres au texte qu’ils déchiffrent.
Mais pour cela, il ne faut pas que le notaire se plante. Le 16 août 1652, Bernard de Toulouse-Lautrec, baron de Montfa, passe son testament devant Me Abel Galiber, notaire de Castres. Bernard de Toulouse-Lautrec veut remercier Dieu de lui avoir donné une bonne santé mentale. Et là, le notaire « yoyotte ».
Pensait-il à autre chose ? Etait-il trop habitué, lui aussi, à écrire ses formules et dès qu’il entendait un mot rédigeait-il le reste de sa formule instinctivement ? Peut-être. En tout cas, Abel Galiber entend Bernard de Toulouse-Lautrec commencer sa phrase de remerciement par l’expression « par la grâce de Dieu ».
Et là, il n’écoute plus son client. C’est parti pour la formule : par la grâce de Dieu Roi de France et de Navarre etc. Et il l’écrit tel quel sur son acte. Avant de revenir à la réalité et de se rendre compte que… Euh… Mais c’est pas ça qu’il lui dit son client ! Mais il ne lui parle pas du tout du roi là. Mais de quoi qu’il lui cause ? Ah oui ! Il lui parle de sa bonne santé mentale, de son bon sens, bonne mémoire et parfait entendement. Oups !
Et là j’imagine bien la scène :
Monsieur le baron, attendez, je raye et on recommence. Vous me disiez donc : « par la grâce de Dieu, je Le remercie de m’avoir gardé en bonne santé et en mon bon sens, mémoire et connaissance… » Je me suis trompé en notant ce que vous avez dit. Je suis obligé de rayer les mots que j’ai écrit. Vous voudrez bien me parapher le fait que vous approuviez les mots nuls rayés ? Oui là, juste en bas de la page. Merci bien Monsieur le Baron. Bien excusez-moi encore et reprenons. Vous disiez donc… Vous remerciez Dieu…