Selon Patrice Flichy, professeur émérite de sociologie à l’Université Paris Est Marne la Vallée, le travail ouvert est un travail articulant deux espaces : le travail en entreprise et le travail que les gens réalisent par et pour eux-mêmes en dehors de cet espace entrepreneurial.  Un travail réalisé par plaisir, de façon volontaire et bénévole. Il peut ne plus y avoir de séparation entre le travail et les loisirs.

 

Ce travail ouvert est une révolution silencieuse mais bel et bien réelle. De plus en plus de personnes désirent gagner en autonomie,  se réaliser dans ce qu’ils font, se singulariser et valoriser leur réputation. Le numérique leur fournit pour cela des outils.  Que ce soit dans une autoproduction ou en organisant de la coopération étendue à l’échelle de la planète.

 

De ce fait, le travail, ce n’est plus seulement une activité rémunérée. Sa définition s’est transformée. Il est devenu 1/une activité réalisée 2/pour laquelle on se définit soi-même des objectifs et 3/dont on arrive à résoudre les difficultés rencontrées. Ce travail ouvert court-circuite l’organisation traditionnelle des professions. Il associe économie collaborative (marchande) et économie du partage (non marchande).

 

Allons plus loin.

 

Le niveau de compétence des gens s’est transformé, vous l’avez remarqué. Plus éduqués, ils peuvent se réinvestir dans de nouveaux projets d’activité. Cela crée un écart entre le travail disponible et les compétences. C’est ce que montre par exemple la grande enquête de la CFDT « Parlons travail ».  Elle pointe en effet la très forte demande d’autonomie des salariés et leur très forte remise en cause de l’organisation du travail  : 2/3 des répondants estiment que leur hiérarchie ne sert à rien, 82 % préféreraient plus d’autonomie et 60 % souhaiteraient changer de travail. Une  autre enquête, menée cette fois-ci par l’APEC, nous apprend que 15 % des diplômés Bac+5  changent radicalement de travail dans les 2 ans après leur arrivée en activité. Ce n’est pas rien !

 

Pour de nombreux enquêtés, « le principal lieu de formation désormais, c’est YouTube ! », un dispositif  pourtant complètement mis de côté dans les politiques d’accès à la formation. Autre lieu de formation souvent mis en avant : les lieux de coopération.  4 Français sur 10 se définissent par leur métier et 3 sur 10  par leurs passions.

 

Ne me dites pas que dans cette description, vous ne vous êtes pas reconnu en tant que généalogiste ? Comme vos ancêtres qui allaient travailler leur lopin de terre une fois l’activité en usine ou à la mine finie, oubliant les heures, la fatigue parce que ce lopin c’était le leur, ils pouvaient le travailler le temps qu’ils voulaient, le généalogiste que vous êtes, à l’heure du numérique, est sur son ordinateur. Et vous levez le nez de celui-ci tard parfois dans la nuit. Satisfait du travail mené.

 

Fier des compétences, des échanges mis en place n’importe où  et avec n’importe qui partout dans le monde. D’avoir retrouvé vos ancêtres ou indexé des photos de cimetière ou de poilus qui vont servir à d’autres. D’avoir retouché les photos d’ancêtres qui ne vous appartiennent pas ou d’avoir aidé des débutants à bien entamer leur généalogie.

 

Votre lopin de terre, c’est votre ordinateur. Ce qui compte, là, c’est votre production.  Et uniquement celle-ci. S’inspirant de mouvements comme les hippies, les punks ou les hackers, si si, vous avez bien lu, j’ose le dire, le généalogiste est un travailleur ouvert. Regardez leurs idéologies (pas toute, mais en partie) et vous comprendrez pourquoi je peux faire ces comparaisons osées au prime abord.

 

Il existerait une frontière entre loisirs et travail ? Ah bon ? Vous êtes sûrs ?