Plusieurs cabinets de généalogistes successoraux sont en faillite ou au bord de celle-ci. Le 30 mars 2016, le cabinet Denis Roux a été mis en liquidation judiciaire. Le 28 février 2017, un cabinet a été mis en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Tours. Sans parler des faillites de Maillard et Jouannet. D’autres cabinets pourraient suivre.

 

Une question se pose, ou plutôt doit se poser, au vu de ces faits.  Quand une entreprise rencontre de grandes difficultés, sa culture doit être repensée. Là, ce n’est pas une entreprise mais un secteur. Mais un changement culturel ne se fait pas comme cela. Il s’obtient après avoir mis de nouveaux process en place. Une tâche pour le moins importante. Cela veut dire qu’il faut absolument tout repenser. Depuis le début. Les dirigeants successoraux sont-ils prêts à cela ?

 

Tout d’abord, quel est le business model de la généalogie successorale ? Il est basé sur leurs missions et leur mode de paiement. Tout d’abord, voyons quelles sont leurs missions.

 

Une «vérification de dévolution successorale » permet de certifier la liste des héritiers avec les copies des pièces d’état civil établissant leurs droits. Elle est facturée au forfait, de 1500 à 4000 €, payée par le notaire sur l’actif net de la succession. Elle fait l’objet d’un devis acceptés par les héritiers connus.

 

Quand le généalogiste n’intervient pas : Un héritier oublié se manifeste dans les 10 ans suivant l’ouverture de la succession ? Les cohéritiers doivent partager avec lui voire même sont évincés s’il s’avère être un parent plus proche. Passé 10 ans, l’héritier oublié est réputé avoir renoncé à la succession. Quand le généalogiste intervient, il certifie la liste des héritiers. S’il se trompe, l’assurance couvrant sa responsabilité professionnelle indemnise l’héritier lésé et paie les frais de changements d’actes.

 

Deuxième type de recherches : retrouver les héritiers inconnus. Cela ne représente que 40 % de l’activité mais procure de 90 à 95 % des revenus. Les successoraux se rémunèrent, en prélevant un pourcentage de la part d’héritage revenant à chaque héritier retrouvé. Plus l’héritier est éloigné du défunt, plus les honoraires sont élevés. Cela peut atteindre jusqu’à 50 % TTC des sommes reçues par l’héritier une fois les droits de succession déduits (tous frais de recherche inclus, en général).

 

En 2015, les généalogistes se sont engagés auprès des notaires à accepter tous les dossiers. C’est peut-être là que le bât blesse car les généalogistes peuvent travailler à perte. Certains dossiers ne permettent pas de recouvrer l’intégralité des frais déboursés. Pour couvrir a minima les dépenses (billets de train, photocopies, courriers…), certains généalogistes facturent des frais de dossiers (de 100 à 400 €).

 

Une définition qui me semble nécessaire : La vente à perte est une pratique consistant à vendre des produits à un tarif inférieur au coût d’achat ou de production. La vente à perte est régie par les articles L 420-5 et L 442-2 du code du commerce. La pratique est jugée déloyale et illicite par les autorités en charge de la concurrence. En effet, elle porte atteinte au libre jeu de la concurrence.

 

Il existe 7 exceptions à cette interdiction :

  • cessation ou changement d’une activité commerciale entrainant des ventes volontaires ou forcées ;
  • fins de saisons ou entre deux saisons de vente,
  • obsolescence technique ou produits démodés,
  • réapprovisionnement à la baisse,
  • alignement sur un prix plus bas légalement pratiqué dans la même zone d’activité par les magasins dont la surface de vente n’excède pas 300 m2 pour les produits alimentaires et 1000 m2 pour les produits non alimentaires,
  • produits périssables menacés d’altération rapide,
  • produits soldés mentionnés à l’article L. 310-3.

 

Quand un généalogiste n’arrive pas à rentrer dans ses frais, pour moi il vend à perte.  Mais… « Les prestations de services ne sont par réprimées au titre de l’article L442-2. Toutefois, la vente à perte est encadrée par d’autres dispositions visant à sanctionner les pratiques anticoncurrentielles.  » précise Frédéric Thienpont, juriste au sein du cabinet GMBA, dans un article paru sur le site business des Echos .

 

En pratique, il est donc interdit de vendre à des prix abusivement bas (par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation), dans le but d’évincer d’autres entreprises du marché. Sont également interdits les « prix prédateurs », c’est-à-dire quand une « entreprise en position dominante fixe ses prix à un niveau tel qu’elle subit des pertes ou renonce à des profits à court terme, dans le but d’évincer ou de discipliner un ou plusieurs concurrents » (Conseil de la concurrence n° 07-D-09 du 14 mars 2007).

 

Je crois que concernant les modes de règlement des successoraux, il y a des questions à se poser. Quel est le coût moyen d’une recherche successorale ? Alors certes il y a des recherches qui vont vite, des recherches qui peuvent prendre des dizaines d’années. Mais en moyenne, une recherche dure combien de temps ? Combien de personnes dessus ? Quel coût salarial pour chacune ? Quels frais engagés ? Peut-on fixer ce coût moyen comme prix de base, celui en dessous duquel il ne faut pas aller ? Et diviser ensuite ce coût moyen entre les héritiers, quel que soit leur nombre ? Peut-on facturer le notaire qui est le commanditaire du travail ?

40% de l’activité et 90% à 95% des revenus. C’est là à mon avis que la réflexion doit se mener. N’existerait-il pas un décalage entre le temps passé et la proportion des revenus ? En effet cela veut dire que 60% de leur activité, la majorité de leur temps de travail donc, ne représente que 5% à 10% de leurs revenus. Ne faudrait-il pas équilibrer cela ? Pour arriver à ce que ces 60% de temps de travail puissent permettre de générer plus d’argent. Actuellement, ce n’est pas le cas : si les 40% que représente la recherche des héritiers posent problème, la trésorerie s’effondre. Or cela est extrêmement dangereux. Et cela peut expliquer les faillites actuelles.

 

Il n’y a, à mon avis, pas beaucoup de solutions : il leur faut repenser leurs missions ou jouer sur les prix. En en inventant de nouvelles, en se faisant payer au fil de l’eau pour éviter de travailler à perte, par exemple ou d’autres. Peuvent-ils se permettre de continuer ainsi ? Peuvent-ils se permettre  de voir plusieurs cabinets, dont certains importants, faire faillite façon dominos ?

 

Autre question importante : ont-ils envie de repenser leur métier, de s’adapter à de nouvelles règles ? Car si l’envie n’y est pas, rien de concret ne pourra se faire. Et nous verrons d’autres faillites arriver.