Avoir reçu des nouvelles d’une de mes anciennes étudiantes qui s’est installée comme psycho-généalogiste à Montpellier m’a fait me souvenir de moments forts pour lesquels elle parlerait sans doute de psycho-généalogie (comme d’autres l’ont fait avant elle) et moi de coïncidences.
Le premier de ces moments concerne mes parents. C’est un exemple dont je parle souvent à mes élèves quand ils abordent ce sujet. Pour les faire réfléchir sur le sujet. Mon père, militaire, avait une compagne et un enfant à Madagascar. Au moment de l’indépendance, il dit à mon grand-père, militaire en retraite, qu’il veut venir en France avec sa compagne et son enfant. Mon grand-père lui répond catégoriquement qu’il ne veut pas de nègres dans sa famille. Mon père rentre seul et rencontre quelques mois plus tard ma mère avec qui il se mariera. Le nom de jeune fille de ma mère ? Nègre.
Le deuxième est une question que nous a posé ma mère à un de mes frères et à moi : Mon père avait changé le prénom d’un de nous trois au moment de la déclaration à la mairie. Mais elle ne savait plus lequel. C’est une anecdote dont nous n’avions jamais entendu parler. Mais je me suis demandé si c’était pour cela que l’on m’appelait souvent Christophe ou Pascal plutôt que Stéphane.
Le troisième de ces moments est un souvenir que nous a raconté mon frère. Quand il était encore mineur, il n’était pas rentré dormir un soir avec mon autre frère et un de leurs amis. Ils n’étaient rentrés que le lendemain matin. Et mon frère dit : « voilà quelle a été notre fugue. »Et il se trouve qu’en dehors de mon activité de généalogiste, je suis un des responsables d’une association spécialisée dans la disparition des mineurs (fugue, disparition inquiétante ou enlèvement parental). Personnellement, j’ai fait tout de suite le rapprochement entre les deux.
Pour moi, il ne s’agit que de coïncidences. Troublantes peut-être mais de coïncidences. Des personnes avec qui j’en ai discuté m’ont tout de suite parlé de psycho-généalogie à leur propos. Pourtant, je ne ressens pas de trouble d’un point de vue psychologique. Pas de comportement étrange non plus. Pas plus de maladie liée à cela. Où se situe la loyauté familiale invisible ? Où se situe le « syndrome d’anniversaire » d’Anne Ancelin-Schützenberger ?
Je ne vois rien de tout cela dans ces anecdotes. Et si on laissait vivre les coïncidences, quand on les trouve, juste pour ce qu’elles sont, sans forcément vouloir aller plus loin dans l’explication ? Je me pose souvent beaucoup de questions par rapport à cette discipline. Sans forcément trouver des réponses qui me conviennent. Je sais que cela plait. Mais…. Je laisse en questionnement pour le moment.
5 réponses à “Psycho-généalogie ou coïncidences ?”
Ce que j’ai rencontré déjà est le retour, sans le savoir, sur la terre de ses ancêtres.
Faire découvrir à une amie partie s’installer dans une ville d’Espagne que ses ancêtres en venaient. Elle n’en savait rien.
Bonsoir Jean-Michel,
Là encore nous sommes dans le hasard, la coïncidence. La surprise. Mais pas dans la psycho-généalogie. Ce n’est pas un phénomène répétitif qui pose problème à votre amie. Pas de but thérapeutique de sa part, du moins pas d’après ce que vous me dites. Ne commettons pas d’impair.
Alors je reste toujours aussi perplexe sur le sujet
Il y a une vingtaine d’années, j’ai fait beaucoup de recherches pour mon site d’histoire locale dans des brochures et manuscrits d’époque à la bibliothèque Sainte-Geneviève et à la salle des manuscrits de la BNF concernant les guerres de religion en Aunis et le siège de La Rochelle de 1627-1628. Hélas je n’ai rien trouvé concernant un éventuel combat dans mon village ou les circonstances de la destruction de l’église. Donc je me suis dit pendant longtemps que j’avais passé beaucoup de temps pour rien et aurait mieux fait de m’occuper à autre chose. Or bien des années plus tard, j’ai complété ma généalogie et découvert que j’avais des ancêtres rochelais mariés en 1631 qui avaient fait partie des rares survivants de ce siège aux conditions de vie terribles.Et que j’avais aussi un bon paquet d’ancêtres protestants qui ont subi les guerres de religion. J’ai donc réglé sans le savoir une sorte de dette envers mes pauvres ancêtres en me plongeant tout à fait innocemment dans leur histoire mouvementée.
D’autre part, je fais pas mal de recherches sur des familles au destin problématique sur plusieurs générations (en gros, des cas sociaux), et j’ai constaté que de nombreuses personnes ayant eu des problèmes graves de filiation (enfant abandonné, ou de père inconnu, orphelin très jeune ou ayant un père ou une mère qui s’est fait la malle sans laisser d’adresse…) s’unissent avec un conjoint qui souffre du même type de problèmes. Alors forcément leurs descendants traînent une lourde hérédité de souffrances (parfois sans le savoir d’ailleurs), il ne peut pas en être autrement…et voilà pourquoi je crois vraiment à la psychogénéalogie.
Bonsoir,
La psycho-généalogie, comme vous le dites, est une question de souffrance au départ. C’est une thérapie brève qui permet de se remettre dans sa famille, de casser des répétitions. Mais je crois qu’il ne faut pas tout y mettre.
Ce que je ressens, par rapport à vos recherches sur La Rochelle et les guerres de religion, je peux me tromper mais c’est ainsi que je le perçois : Au départ, il n’y avait pas de souffrance mais de la curiosité intellectuelle. C’est différent. Et quand vous avez découvert que vos ancêtres étaient en partie en lien avec ces recherches, vous vous êtes senti en paix. Vous aviez, sans le savoir, toucher du doigt leurs vies, vous pouviez imaginer celles-ci, vous mettre dans leur peau sans aucune difficulté. Mais pour moi, là encore, il s’agit d’une coïncidence. Pas de psycho-généalogie.
Le « forcément » me gêne par ailleurs. Est-ce qu’il s’agit d’une souffrance de la part des descendants des « cas sociaux » ? Ou est-ce qu’ils l’ont pris comme une fatalité, un coup du sort, une malchance ? La souffrance, c’est quelque chose qui pour moi se sait, se touche du doigt, se vit. Et dont on veut sortir à moins d’être maso. Quel a été le ressenti de leurs descendants ? Est-ce une impression que vous avez ou est-ce que cela vous a été formulé ainsi ? La psycho-généalogie c’est un travail pour moi qui est personnel. Une thérapie. Et uniquement cela.