Actuellement, nous avons un jeune homme, mineur, qui a disparu de façon inquiétante en France. Lucas Tronche a disparu le 18 mars vers 17 h 10 de son domicile à Bagnols-sur-Cèze (Gard) sans aucune affaire, alors qu’il devait aller rejoindre son frère à la piscine en bus. Un chien a retrouvé sa trace sur un chemin de terre en direction de la forêt. Celle-ci a été quadrillée, ainsi que les communes alentour, par 2000 personnes. En vain. Aucune trace de lui nulle part. Un juge d’instruction a donc été saisi, pour « séquestration et enlèvement ». Il portait un jean bleu foncé, une doudoune à capuche réversible bordeaux et grise, un polo gris Quicksilver à rayures et manches longues, des baskets blanches. Il a les yeux marrons, il mesure 1 m 60, et il est blond/châtain clair. Les premiers signalements de sa disparition disaient qu’il avait aussi avec lui un sac à dos Quicksilver bleu marine avec de grosses fleurs bleu roi, mais les signalements suivants n’en parlent plus. Voici son avis de disparition, n’hésitez pas à le récupérer et à le diffuser largement d’où que vous soyez. On le recherche en effet maintenant sur la France entière.Je me suis demandé pourquoi cette disparition, et d’autres avant elle, me touchait autant. Pourquoi j’étais autant en empathie, autant dans l’altruisme et l’action à ce sujet. Et je crois que j’ai trouvé une réponse, en lien avec mon histoire familiale. Alors, pour une fois, je vais faire un peu de psycho-généalogie. Ou, si vous n’aimez pas ce terme, faire un lien avec mon histoire familiale et ma passion de la généalogie. Septembre 1914 : mon arrière-grand-père paternel disparaît à Bussu pendant la Course à la mer. Cette disparition a eu des conséquences sur l’histoire de ma famille. René François avait 41 ans et était père de quatre enfants. Cela n’a pas suffit pour l’empêcher de partir à la guerre. Et donc, au tout début de celle-ci, il disparaît. Un jugement du 3 novembre 1920 le déclare mort pour la France le 23 septembre 1914. Il a fait son armée en 1893 au 65ème régiment d’infanterie. Puis la guerre au 81ème régiment d’infanterie. Cette disparition a créé une légende familiale. Sa femme Louise étant une peau-de-vache, et c’est peu de le dire, il aurait profité de la guerre pour s’enfuir et partir en Allemagne. Il existe bien des Cosson en Allemagne, mais ils ne me sont pas apparentés. Sa femme Louise eut un enfant naturel en 1917 (qui fut pourtant enregistré sous le nom de Cosson). Tout le monde savait qui était le vrai père mais personne ne l’a jamais dit. Le secret a été bien gardé. Dommage pour le généalogiste que je suis. Une deuxième anecdote à propos de sa femme : Lors de la seconde guerre mondiale, elle piquait les tickets de rationnement de son fils et de sa famille pour se payer plus facilement du bon temps. Jusqu’à ce que sa petite fille fasse sauter le coffre où elle les gardait précieusement. Louise a alors coupé les ponts. Son fils aîné, mon grand-père, avait 12 ans quand il disparaît. Il sera militaire lui aussi, chez les zouaves en Tunisie, ce qui, quand on a connu le personnage, est pour le moins bizarre voire antinomique. Imaginer mon grand-père zouave, c’est essayer d’allumer un feu avec de l’eau. On a beau essayer et essayer encore, cela ne fonctionne pas. Je suis persuadé que mon grand-père a choisi la carrière à cause de la disparition de son père. Il n’était pas du genre bavard, j’étais trop jeune quand il est décédé pour pouvoir l’interroger là-dessus. Mais cela me paraît une évidence avec du recul. On ne s’engage pas dans l’armée au même moment de la parution du jugement concernant son père sans qu’il y ait de lien entre les deux. Espérait-il en savoir plus sur lui ? Je ne le sais pas. Mon père est devenu à son tour militaire. Il s’est engagé pendant 5 ans et est parti à Madagascar, ce qui a permis la naissance de ma demie soeur (naissance naturelle à nouveau) et la rencontre de mes parents ensuite. Nouvelle anecdote à ce sujet : Quand mon père rentra de Madagascar, il voulait en effet rentrer avec sa compagne et leur fille. Il demanda l’autorisation à mon grand-père (il avait pourtant 22 ans, donc majeur, il pouvait s’en passer). Mon grand-père lui dit : Non ! Je ne veux pas de nègre dans ma maison ! Mon père rentra donc seul, ne pouvant aller à l’encontre de la volonté de son père. Quelques mois plus tard, il rencontra celle qui allait être sa femme et ma maman. Son nom de jeune fille ? Nègre ! Raté pour mon grand-père. C’est à la fois cette disparition et ces naissances naturelles qui ont fait que je suis devenu (entre autres raisons) généalogiste. Il me fallait comprendre. Faire du tri. La disparition de mon arrière-grand-père a eu des conséquences sur les trois générations qui ont suivi cet événement. J’en suis là encore persuadé. Et depuis, je suis touché, en complète empathie avec les familles quand elles vivent ce drame. Ma famille a vécu cela. C’est resté comme une tâche indélébile, un manque. Je peux donc parfaitement me mettre à leur place. Leur inquiétude, leur angoisse sont aussi dans mon histoire familiale. Qu’est-il véritablement advenu à mon arrière-grand-père ? Est-il vraiment mort à l’ennemi comme on a essayé de s’en persuader ? Alors pourquoi cette légende familiale le concernant ? Elle n’a pas sa raison d’être s’il est mort à l’ennemi. Si. Tout est dans ce petit mot de deux lettres : si…. Et pas d’explication réelle derrière. Un vide. Un rien. Juste un petit mot de deux lettres : si… Et cela change toute une histoire. Et le coeur est touché à jamais.