L’offre patrimoniale a été fortement développée dans le dernier tiers du 20e siècle. Le public est au coeur de la métamorphose. Il a désormais une place politique, économique et sociale. En répondant à l’appel de cette nouvelle offre, il continue de la susciter, même s’il existe un star-system patrimonial : plutôt l’exposition Monet que celle des Archives Départementales. Pour ce qui est des visiteurs, et je parle bien de visiteurs, la majorité a fait des études supérieures, est composée de jeunes citadins, plutôt en vacances quand ils visitent. Le public des Archives est légèrement différent, d’abord parce qu’on ne visite pas un service d’Archives, on y va pour y travailler. Il change au moins quant à l’âge et au temps. Ce public, plus âgé, senior, peut aller aux Archives n’importe quand et cette notion de vacances intervient moins. Depuis les années 1980, la représentation que se fait le public du patrimoine a radicalement changée. De même que ses projets d’usage et ses comportements. Et là, il me semble que cela commence à concerner les Archives. Au départ, la représentation du patrimoine s’est inscrite dans l’univers du sacré : un objet à la limite du surnaturel, séparé du quotidien, hors du commun et des relations marchandes, digne d’un respect absolu et universel. C’est devenu ensuite un objet de mémoire, de transmission de savoir, de savoir-faire, qu’il convient d’entretenir et de transmettre. Puis les usagers sont passés au coeur de la raison d’être des organisations publiques. Le patrimoine ne s’est plus trouvé hors du marché. Il est devenu à la place un bien commun appartenant à un environnement marchand qu’il doit prendre en compte dans son fonctionnement. De ce fait, le patrimoine est aujourd’hui de plus en plus assimilé à des lieux de loisirs offrant des prestations de service. Un exemple qui va peut-être vous choquer mais qui me semble bien entrer dans cette définition : les Archives sont le lieu d’un loisir (la généalogie) pour lequel elles offrent depuis très récement une nouvelle prestation de service (les archives numérisées mises en ligne). L’aviez-vous vu comme cela ? Le lieu patrimonial est mis sur le même plan que les autres loisirs, entre en concurrence avec. Le divertissement entre au coeur de l’expérience. D’où une interdépendance en général avec le tourisme, première cible marketing désormais du patrimoine. Nous n’en sommes pas encore là, nous autres généalogistes. Quoique… Ainsi par exemple, le fait que le stage de paléographie proposé par l’intermédiaire de la RFG se fasse à Albi et non sur Paris, soit couplé avec une visite proposée de la ville, patrimoine mondial de l’Unesco, n’est pas complètement anodin, croyez-moi. Ce n’est pas simplement parce que je suis Albigeois et que cela m’est plus facile. Mais n’oublions pas non plus que nous baignons dans cet environnement qui fait que nous pouvons avoir des demandes parfois en inadéquation avec les Archives. Une salle de lecture bruyante, où on peut consommer de la nourriture, où les lecteurs peuvent se mettre en groupe autour d’une table et d’ordinateurs pour discuter à des moments de leurs recherches, à d’autres moments à chercher chacun dans sa liasse, où il y aura plus de personnel pour les mener vers des bases de données spécialisées n’est pas encore d’actualité. Cela vous semble inimaginable ? Regardez les bibliothèques. C’est déjà possible. Parce que notre manière de voir le patrimoine a changé.