Dans le dossier consacré au généalogiste familial, paru dans Gé-Mag, Jérôme Malhache et Myriam Provence ont donné leur conception du métier : un expert en histoire des familles, qui exhume des personnages oubliés de l’Histoire et leur donne de la consistance en le resituant dans son contexte socio-économique, en recherchant des éléments de carrière, de patrimoine. Bref un biographe des petites gens. Cette question de la biographie m’a alors curieusement renvoyé à un ouvrage de Vincent Duclert que je suis en train de lire intitulé : l’avenir de l’histoire. Son introduction, pour moi, est la partie la plus intéressante. Dans cette introduction, Vincent Duclert, nous dit que penser l’avenir de l’histoire conduit l’historien au coeur de sa discipline. Il peut aider les générations présentes et futures à comprendre l’imprévisibilité de l’avenir du monde. Il en a le pouvoir critique mais ce pouvoir dépend de la volonté des historiens de penser ce qu’ils sont et vers quoi ils vont. Les historiens construisent l’avenir à travers leur examen du passé. Leur pouvoir ? Nommer, ordonner, mesurer. Penser l’avenir de l’histoire, c’est définir de ce que l’on entend par histoire afin de parvenir à la relation qu’elle entretient avec l’avenir, avec son propre avenir. Il y a un choix à faire en faveur de la vérité du passé, aussi nécessaire pour une exigence de connaissance des temps révolus que pour la conception des sociétés présentes. Ce choix concerne tous ceux qui, de près ou de loin, contribuent à la recherche. De ce fait, si j’en reviens au généalogiste… Le généalogiste est l’historien des humbles qui, déjà pour Michelet, composent la France (ou tout autre pays), l’humanité pour faire simple. Ces humbles, Jules Michelet les envisageait comme porteurs de la parole de ce qu’il appelait le « peuple », fondateurs de la « conscience » d’un pays. Aucun rôle direct, aucun pouvoir d’agir en face des évènements. Mais participant à l’histoire par leur constitution d’une pensée collective, de mentalités profondes et méritant alors l’attention de l’historien. Le généalogiste peut, par son travail, aider l’historien à rétablir la chaîne des faits, des idées d’où sortirent les points essentiels que tout le monde connaît. Il a alors une éthique de vérité qui le dirige vers des dispositifs puissants de recherche. La généalogie, tout comme sa grande soeur, s’impose à travers sa connaissance. Se reposer sur la connaissance du passé pour pouvoir mieux construire l’avenir. En sortant de l’oubli des individus, en habillant l’arbre généalogique, il me semble que le généalogiste, professionnel ou amateur, a de ce fait un rôle beaucoup plus important que celui qu’il veut bien se donner.