La généalogie peut servir à tout, y compris à réviser les savoirs de base (français, mathématiques) pour des personnes qui n’arrivent pas à trouver du travail. C’est l’expérience menée avec succès sur Gaillac (Tarn) pendant 4 mois en 2003-2004, dans le cadre de la formation AGIR. Cette action de formation a été centrée sur la participation des stagiaires à un projet de relevé systématique de registres paroissiaux de la commune de Gaillac, entre 1782 et 1792, et à la rédaction d’un article analysant les statistiques issues de l’exploitation de ces relevés. Pourquoi par ce biais ? Depuis la deuxième moitié des années 1970, le souci généalogique a envahi la France. Parmi les hypothèses permettant de comprendre cette flambée, l’une dit que la généalogie viendrait à panser les blessures de la crise économique du deuxième quart du 20e siècle dans la France anciennement industrielle. Elle serait alors une sorte de retour à la terre nourricière. Elle permettrait de réaliser un travail de recollement, de pardon suite à l’éclatement de la famille et aux manques de repères. Et là, elle peut jouer un rôle intéressant pour des publics en difficulté sociale et économique. Le public de la formation AGIR est composé de personnes qui ne tireraient pas profit d’une action directe d’orientation ou de recherche d’emploi mais qui sont cependant prêts à s’investir dans un travail de groupe, de façon à aborder le quotidien avec une plus grande confiance. Au départ, ces personnes peuvent ne pas avoir d’expériences professionnelles ou de projets bien définis. En travaillant sur des registres paroissiaux d’ancien régime, les stagiaires ont appris une écriture dont ils n’avaient pas l’habitude. Cela leur a demandé de la concentration, de la rigueur et de la persévérance. Ils ont travaillé sur des documents datant d’une époque où l’orthographe n’était pas fixée définitivement. Ce qui leur a permis de relativiser leur approche de celui-ci, de moins culpabiliser dans le cas où ils feraient des fautes, de prendre de la distance par rapport au français. Une fois les relevés effectués, l’outil mathématique leur a permis de travailler sur la démographie de Gaillac au 18e siècle. Par ce biais, ils ont découvert en partie le quotidien des habitants de cette époque et comparer avec leur quotidien. Le résultat final a été la publication de l’article après qu’ils l’eurent rédigé tous ensemble et effectué tous ensemble la frappe sur un ordinateur portable. La plupart d’entre eux n’avaient jamais approché cet outil, cela leur a permis de l’apprivoiser un peu, de moins en avoir peur, de s’apercevoir qu’ils pouvaient l’utiliser. Ils sont tous repartis avec un exemplaire de leur article. Au départ, les stagiaires exprimaient une certaine crainte par rapport à ce projet, à ce monde qui leur était complètement inconnu au point de croire qu’ils allaient travailler dans une église, entourés par un prêtre. En fait, pour eux, ces quatre mois sont passés à un vitesse qui les a tous surpris. Cette formation leur a apporté une véritable remise à niveau sans qu’ils s’en rendent vraiment compte, en douceur. Ils en sont sortis avec plus de confiance en eux et en leurs capacités, se mettant à la recherche active d’un emploi ou d’une nouvelle formation. Il s’agit d’une expérience assez innovante, non ? Lire également : Innovation et généalogie