Vous avez déjà entendu parler de l’ascenseur social ? C’est tout ce qui permet à une personne ou à un groupe d’atteindre une classe sociale supérieure et d’améliorer ses conditions de vie. On appelle cette évolution la « mobilité sociale ». Elle a parfois lieu entre plusieurs générations (par exemple entre des parents et leurs enfants).
En étudiant les différentes branches de la famille Lautrec, j’ai trouvé un bel exemple de cet ascenseur social sur trois générations. Tout commence avec Guillaume de Lautrec, le grand-père, qui est cordonnier à Valence d’Albigeois à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe. Les premiers documents dans lesquels il apparaît sont différents prêts d’argent à d’autres habitants du même lieu. Il possède une maison dans l’ancienne bastide et le 26/07/1580, il baille à réparer celle-ci à Louis Favarel, Antoine At, Jean Virazels et Pierre Cabrol, maîtres maçons, pour la somme de 8 écus.
Je vais trouver des documents notariés le concernant jusqu’au 24/07/1623 où, devant Me Guillaume Rey, il donne à Jean son fils la moitié de ses biens, pour les bons et agréables services qu’il a reçu et espère recevoir à l’avenir et en considération qu’il a employé la plupart des profits qu’il pourrait avoir fait jusqu’au jour présent à l’entretien de son dit père, l’autre moitié allant à Salvy son autre fils. Son troisième fils Guillaume reçoit la somme de 20 livres payée par moitié par ses frères dans 3 ans sans qu’il puisse demander autre chose sur ses biens.
Si Guillaume, son troisième fils, est marchand, Jean et Salvy de Lautrec en revanche sont des notaires seigneuriaux. À côté des notaires royaux, que tout le monde connaît, existaient, en effet, des notaires seigneuriaux (commis par un seigneur pour recevoir les actes dans l’étendue de leur justice) et des notaires apostoliques (établis par le pape pour tout ce qui concernait les matières spirituelles et ecclésiastiques). Les notaires seigneuriaux n’avaient pas le droit d’instrumenter dans les terres royales. Jean exerce ainsi au château des Farguettes, à côté de Valence d’Albigeois, tandis que Salvy signe la majorité de ses actes pour la juridiction de Roumégous, paroisse de La Salvetat-Peyralès en Aveyron. Le premier document trouvé concernant Salvy est son contrat de mariage le 22/07/1618. Il y épouse Jeanne de Huc, fille de Guillaume de Huc (lui-même fils de Jean), bachelier en droit, lieutenant de Naucelle, et de Jeanne de Rudelle devant Me Dubosquet, notaire de Valence d’Albigeois. Je n’ai pas encore trouvé tous les actes le concernant mais Salvy est décédé avant le 2/07/1639.
Le notaire doit être de bonnes mœurs, habile, ni boucher ni barbier (ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai pas encore trouvé la raison), bachelier, âgé d’au moins 25 ans, ayant fait son apprentissage chez un autre notaire. Les fils des notaires sont prioritaires pour succéder à leur père sous réserve qu’ils justifient des conditions requises. C’est ainsi que le fils aîné de Jean deviendra notaire à son tour. Ce n’est pas le cas pour les enfants de Salvy en revanche.
Antoine de Lautrec, fils aîné de Salvy et de Jeanne de Huc, sera qualifié de praticien, tant qu’il habite la région. Mais il va bouger et entraîner avec lui son frère Jean. Ils vont monter à la capitale au début des années 1650. Il épouse le 10/03/1659 à Villers sur Fère (Aisne) en premières noces Anne Joffrin, fille de Jean Joffrin, gouverneur des pages de la Petite Écurie du Roi, et d’Anne Le Fèvre. En 1660, il va succéder à son beau-père pour les mois de juillet, août et septembre. Il y a en effet un gouverneur des pages de la Petite Ecurie du Roi différent chaque trimestre. Il touche pour cela 125 livres de gage. Il est alors qualifié de « sieur de La Roche ».
Des années plus tard, devenu capitaine des vivres dans les armées du Roi, il épouse en deuxièmes noces le 11 février 1677 à Fère en Tardenois (Aisne) Marie Patureau, veuve de Pierre Petit dit de Longueval. Il décède, paralysé, atteint d’apoplexie foudroyante à Villers-sur-Fère le 21 juin 1692.
Son fils aîné, Antoine-Louis de Lautrec qualifié « sieur de Rozoy » sera garde du corps du Roi.
Jean de Lautrec, frère d’Antoine et fils cadet de Salvy, est « sieur de Fromont ». En 1652, il est historiographe de Monsieur le duc d’Orléans, frère du Roi. Il habite alors sur le fossé entre les portes Saint Michel et Saint Germain, paroisse Saint Sulpice. Le 3 janvier 1653, alors qu’il est détenu aux prisons du Petit Châtelet après avoir été embastillé car ses écrits n’ont pas plu au Roi lors de la Fronde des Princes, il réside sur le fossé derrière l’Hôtel de Condé dans la même paroisse.
Il a épousé avec contrat de mariage Marie Choisin, fille de Mathurin Choisin, sieur de Saint Laurent, conseiller du Roi, grenetier du grenier à sel du Roi à Meaux (Seine-et-Marne) et lieutenant du guet de la ville de Paris, et de feue Agnès Marlot. Il succèdera à son beau-père comme grenetier du grenier à sel du Roi à Meaux. Le 15 mars 1663, Jean de Lautrec décède à Paris, paroisse Saint André des Arts rue d’Anjou-Dauphine.
Son fils, Henry de Lautrec, sera avocat au Parlement de Paris.
Si ça, ce n’est pas de l’ascenseur social, alors j’avoue que je ne sais pas ce que c’est. En trois générations, passer de cordonnier à gouverneur des pages de la Petite Écurie du Roi, ce n’est pas donné à toutes les familles ! Bon d’accord, ils ont bougé, sont monté à la capitale, la dernière génération a succédé aux beaux-pères dans l’exercice de leur métier, cela a pu aider, mais tout de même !
2 réponses à “Ascenseur social”
Effectivement un bel exemple d’ascenseur social et une superbe étude généalogique, merci Stéphane!
Merci Martine pour votre commentaire.