Le 18 mars 1637, Me Paul de La Bauve, docteur et avocat en la cour, et Abel Galibert, notaire royal et procureur en la cour royale et ordinaire de Castres, consuls de la religion prétendue réformée baillent à Jacques Austruy, apothicaire de Castres, de faire la levée du livre imposé sur les habitants de la présente ville faisant profession de la religion prétendue réformée se montant à 1561 livres 18 sols 8 deniers, y compris les levures pour subvenir au paiement des gages des ministres, officiers et frères de ladite église. Ils lui baillent alors le livre signé par M. de Lacger, juge, M. de Raymond, procureur du Roi, Jacques Ricard, procureur en la cour royale et secrétaire de l’église.

 

Existe-t-il un allivrement particulier pour les protestants à cause de leur religion ? Ou bien s’agit-il de l’impôt « normal » mais, catholiques et protestants ne souhaitant pas se mélanger, ils ont chacun leur exacteur ? Rien dans l’acte ne permet hélas de le dire. J’aurais plutôt tendance à penser qu’ils ont chacun leur collecteur. Continuons de lire cet acte passé chez Me Pierre Bouffard, notaire de Castres.

 

Jacques Austruy sera tenu de payer et remettre entre les mains de Joseph Leroy, bourgeois, trésorier de cette église, les sommes portées par le préambule du livre soit un tiers le 31 mai, un tiers le 31 juillet et un tiers le 30 novembre sans nul défaut et sans qu’il puisse alléguer pour retarder son paiement le défaut de paiement des rebelles ou des mal cotisés pour lesquels il lui sera fait droit en la reddition de son compte  ainsi qu’il appartiendra.

 

Le collecteur va dans son territoire assigné, ici les protestants, chercher chez chaque contribuable et à chaque terme  (ici en trois fois) la somme fixée par le rôle. Il retient pour lui les levures. Les reste part à la communauté puis au receveur. Visiblement, les consuls prévoient qu’il y aura des difficultés puisqu’ils parlent des rebelles et des mal cotisés. Cela peut donner lieu à des difficultés graves voire à des incidents de type perquisitions, saisies, garnison au domicile, bagarres, révoltes, interventions de la troupe, je vous en passe et des meilleures. Et dans ce cas-là, direction la série B aux Archives Départementales pour voir si tout s’est bien passé ou pas. Et on peut trouver de vrais bijoux à ce sujet.

 

Quand il s’agit de la taille, les plus réfractaires sont en effet les gentilhommes nobles qui ont des biens roturiers. En tant que nobles, ils n’ont aucun impôt autre que celui du sang à payer au roi.  Mais les biens dont ils sont propriétaires peuvent être des biens nobles (donc là, pas d’impôt, même s’il est entre des mains roturières) ou roturiers (et là, même si ce sont des nobles qui les possèdent, ils ont un impôt à payer). Eh oui, en France méridionale, nous avons des biens qui sont nobles et d’autres qui ne le sont pas. Et c’est un état définitif.

 

Un bien noble c’est quoi ? Selon Paul Dognon, sont nobles les fiefs que leurs possesseurs tiennent du roi et pour lesquels ils doivent le service militaire. Enfin en théorie, parce que… Dans la pratique… Ce n’est pas vraiment ça mais ceci est une autre histoire.

 

Jacques Austruy sera aussi tenu à la fin du terme de rendre compte de la levée du livre. Les  consuls seront tenus de lui passer et allouer en dépense tous les non valoir rebelles et mal cotisés en rapportant diligence suffisante et non autrement. Soit 1 sol 8 deniers pour livre de la recette actuelle.

 

Les consuls lui prêteront aide, faveur et main forte pour la levée des deniers imposés toute et quante fois qu’il les en requerra.

 

Quand je vous dis que ce n’est pas une partie de plaisir !

 

Enfin, pour plus grande assurance Me Jean Dumas, notaire royal de Castres, est présent et dûment averti et informé de l’importance du bail de ce livre , s’est rendu caution sans faire division de dette ni discussion d’action.

 

Il m’est déjà arrivé de lire un bail de levée de ce genre où le collecteur était pauvre comme Job et sans aucune éducation, ne sachant ni lire ni écrire ni compter. Jacques Austruy est apothicaire, donc normalement, tout devrait aller bien.  Mais au cas où, soyons prudents. Mieux vaut avoir une caution !  Dont acte.