Suite des aventures de Gaspard Antoine Pastourel. Cette fois-ci, nous sommes sur Beaucaire, dans le Gard. Toujours aussi filou notre Gaspard ! Voici son histoire sous le nom d’Amable Philibert Hippolyte Boudon.

20 août 1814 :

Un individu, disant se nommer Pierre Blanc, habitant Clermont-Lodève, exerçant la profession de voiturier, se présente chez le sieur Barellon fils cadet, Richard et Compagnie, commissionnaires en Avignon. Il offre de se charger de marchandises pour Lyon pour eux. Offre acceptée. Elles arriveront à bon port, sauf une caisse de chapeaux qui disparaît.

29 août 1814 :

Un individu, disant se nommer Pierre Blanc, habitant Apt, se présente accompagné d’un facteur de voiturier appelé Joanny chez plusieurs maisons de commerce de Lyon. Il offre de faire des chargements pour elles pour Marseille.  Lefèvre Picot et Compagnie, Antoine Molière Férézia et Compagnie, Gruardet et Roux commissionnaires chargeurs, Darestes et compagnie, Chenaud père et fils, Plantin Descours et Récamier, Gaillard frères acceptent de lui fournir des marchandises, ainsi qu’à Pierre Robert, habitant Saint Denis département de la Seine.  Aucune de celles confiées à Pierre Blanc ne parvient à destination.

4 septembre 1814 :

Amable Philibert Hippolyte Boudon, Joseph Arnaud, Pierre Barthélélmy et Georges Bosio, arrivent à Beaucaire. Amable Philibert Hippolyte Boudon est natif  de Sainte Eulalie, en Aveyron, et habite, selon ses dires, Averan dans les Hautes-Pyrénées. Joseph Arnaud, se dit bijoutier, natif d’Apt et ayant habité Béziers ; il a été jugé et acquitté pour escroquerie. Pierre Barthélémy est bastier, natif de Sérignan dans le Vaucluse, demeurant autrefois à Montpeyroux (Hérault). Georges Bosio est voiturier, natif de Seravalla département de la Stura, habitant Nice pendant 10 ans, il vient de déménager à Carpentras ; il a été condamné le 28/12/1812 à Montpellier pour vol de marchandises.
Ils viennent de Pont Saint Esprit, sont passés par Remoulins, menant avec eux une charrettes de marchandises conduite par le sieur Bosio. Quelles marchandises ? Eh bien 19 pièces de toile blanche, des bretelles, des lunettes, des éperons, des peignes de corne, 12 douzaines et demi de peignes courbes en laiton doré garnis de perles, 15 douzaines de coiffes de chapeau, 200 paquets de couteaux chacun de 3 douzaines, 10 paquets de vis en fer, 2 douzaines et demi de peaux de maroquin assorties.
Boudon et Arnaud louent un magasin appartenant à Claude Pons, près la porte Saint Pierre. Le cheval et la charrette sont remisés chez Jacques Beyssou, près la route de Nîmes. Ils vont ensuite se loger chez Martin, aubergiste près de l’écluse du canal, à l’autre extrémité de la ville.

4 au 8 septembre 1814 :

deux caisses et deux ballots sont transportés chez Raymond Gros dit Rangon, natif de Beaucaire, condamné le 29 vendémiaire an 9 par le tribunal correctionnel de Nîmes pour vol.

7 septembre 1814 :

Elisabeth Marcelin, épouse de Claude Pons, demande à Honoré Soulier et Jean Sabatier, portefaix, d’aller chercher 4 colis dans le magasin de son mari.

8 septembre 1814 :

Deux petits ballots de toile sont portés par Joseph Arnaud chez le messager de Nîmes à Beaucaire avec ordre de les amener à Nîmes et de les laisser dans son bureau jusqu’à ce qu’il vienne les y chercher.
Quatre autres balles de marchandises sont retirées. Mais pour aller où ?

8 septembre 1814 au soir :

Georges Bosio et Pierre Barthélémy chargent la charrette. Il se préparent à partir pour Montpellier à minuit quand ils sont interceptés par le commissaire de police Jean Comte. Chez le sieur Martin, sont arrêtés aussi Amable Philibert Hippolyte Boudon et Joseph Arnaud puis ce sera le tour de Raymond Gros. La marchandise est confisquée.

9 septembre 1814 :

Notre commissaire interroge Amable Philibert Hippolyte Boudon. Ce dernier déclare être âgé de 27 ans, natif de Sainte Eulalie dans l’Aveyron, habitant Averan canton de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées. Il se dit propriétaire, vivant de de ses revenus. Il présente au commissaire un passeport avec tous ces renseignements.

12 septembre 1814 :

500 à 600 couteaux sont trouvés dans le Rhône par Barthélémy Lambert, maçon, Pierre Sablier fils de Poncet, ramellier, et Chrysosthome Blanc, vannier, habitant Vallabrègues. Le 13 septembre, après comparaison, ils sont identiques à ceux trouvés sur Georges Bosio. Enfer et damnation !

Et c’est là que les ennuis commencent ! En effet, au fur et à mesure de ses interrogatoires, notre Gaspard, sous le nom de Boudon, va s’emmêler quelque peu les pinceaux. Le 19 septembre, il affirme arriver du côté de Grenoble, Vizille ou Gap, enfin du Dauphiné quoi ! Il affirme qu’il est arrivé la veille ou le jour de la foire de Beaucaire et qu’il y a rencontré ou qu’il y attendait le sieur Bernard ou Bernardin, habitant Genève, pour faire une échange de marchandises. Il serait venu  avec 4 tonneaux d’indigo, 3 tonneaux de cochenille, 3 quintaux de tabac gras pour les échanger contre les marchandises trouvées dans la charrette.

Devant Henry Joseph Fornier, juge d’instruction, assisté d’Antoine Accurse Viguier, commis greffier, il se contredit. En fait, il a rencontré un charretier à La Palud qui lui pria d’écrire une lettre. Il voulait aller ensuite à Pont Saint Esprit ou à Narbonne. Mais quelques lignes plus tard, il déclare qu’il venait d’Espagne. Il est possible qu’en fait il soit venu plutôt de Montpellier ou d’Avignon. En juillet, sûr, il était à Toulouse.

Au vu de ses contradictions, eh bien on cherche, on fouille. Et on trouve ! Nos marchands lyonnais sont interrogés par un juge d’instruction à Lyon et reconnaissent leurs marchandises, confiées à Pierre Blanc. Du coup, comme on sait que Gaspard sait écrire, il est demandé de vérifier si son écriture est identique à celle de ce Pierre Blanc.

Amable Philibert Hippolyte Boudon existe bel et bien à Sainte Eulalie, où il exerce la profession de tanneur, tout étonné qu’on vienne vérifier son existence et son identité !l explique au maire de Pierrefiche qu’il y a trois ans il a perdu son portefeuille à la foire de la mi-carême à Rodez.  Vers les 16 heures, il s’était rendu compte du vol. Il y avait, un certificat attestant qu’il avait été mis à la fin de son service comme aîné de 4 frères ou soeurs orphelins, signé de Monsieur Carrié, sous-préfet d’Espalion, une transaction et une lettre pour Madame Bertrandy.
Voyager ? Lui ? A la rigueur en Lozère, à une journée de cheval, pour acheter et vendre du cuir. Au-delà ? Que nenni ! Pas depuis son service militaire à Agen !
Le maire de Pierrefiche affirme qu’il est marié et qu’il jouit de la meilleure réputation possible, qu’il vit très paisiblement.

Lors de l’interrogatoire du 16 janvier 1815, Gaspard Antoine Pastourel est forcé de donner sa véritable identité. Il dit qu’il est âgé de 30 ans et natif de Marseille. Il a déserté depuis 8 ans le 37ème régiment de ligne où il servait comme fusilier. Il a une soeur qui habite Marseille. Sa mère est morte quand il avait 3 ans, son père quand il en avait 6 ou 7. Conscrit réfractaire, il a été enchaîné à Marseille puis a rejoint les 37ème en garnison à Turin.

27 février 1815 :

Nous voilà arrivé au procès. Le procureur général demande 10 ans de réclusion pour chacun. Le remboursement solidaire des frais. Ils seront attachés pendant 1 heure au carcan sur la place publique avec leurs noms, leur profession, leurs domiciles, la peine et la cause de la condamnation, le tout écrit de manière bien visible. Un cautionnement de 3000 francs est demandé. Le jury a suivi point par point cette demande.

Le 8 juin 1815,  Gaspard Antoine Pastourel s’évade de la maison centrale de Montpellier où il a été enfermé.