L’an dernier, en faisant leurs recherches sur Pierre François Picaud, un groupe de mes étudiants est tombé sur une perle : Louis Scolari, emprisonné à Nîmes. Voici son histoire.

16/11/1826 :

A 16 h, la dame Vedel se présente au guichet pour remettre des vivres à un compagnon menuisier, son pensionnaire. Au moment où elle remet ses vivres, en présence de Jeanne Talagrand, épouse Gion, le nommé Pierre, condamné à 3 mois de prison pour vagabondage, prononce des paroles les plus sales et les plus honteuses. Le sieur Gion lui impose silence et le menace des fers.

Quelques instants plus tard, ledit Pierre se dispute avec Joseph Audiger dit Caniche, le mordant au haut de la cuisse et au médium de la main droite. Tu voulais les fers ? Tu les auras !

Jacques Talagrand, geôlier de la prison de Nîmes, voyant que Pierre Autriche, serrurier, âgé de 17 ans, ne peut facilement mettre les fers audit sieur Pierre, demande d’étendre par terre le prisonnier. En se couchant sur ses genoux, on va bien y parvenir plus facilement, que diantre ! Et il fait entrer pour calmer la foule des prisonniers, deux fusilliers de la 1ère compagnie 1er bataillon du 4ème régiment suisse en garnison à Nîmes : Henri Pasquier, âgé de 38 ans et Marc Decombe, âgé de 35 ans.

C’est alors que… Malgré cette précaution, Gaspard Antoine Pastourel dit Louis Scolari, âgé de 33 ans, né à Saint Jouard en Savoie (sans doute Saint Jeoire), sellier de son état, détenu par suite de condamnations antérieures, s’approche du geôlier Talagrand et lui donne un coup de poing dans l’estomac. Talagrand ne se laisse pas faire et réplique en donnant un coup de poing à l’estomac à Scolari. Qui lui balance une calotte bien sentie. Talagrand le repousse violemment contre le mur, si durement que Scolari dira plus tard qu’il a failli s’y fendre la tête.

Pastourel dit Scolari s’éloigne et plus personne ne fait attention à lui. Tout à coup, il s’élance sur le fusil d’une des sentinelles. Malgré tous les efforts du soldat qui ne veut pas lâcher son fusil, Gaspard Antoine Pastourel dit Louis Scolari parvient à en diriger la bayonnette vers la figure du geôlier Talagrand et à lui faire une blessure du côté droit de la mâchoire inférieure, pénétrant jusqu’aux maxillaires. Et bien sûr, ça pisse le sang de partout !

Sont témoins de l’attaque, d’autres prisonniers : Siol, Quinsac, Barry, Chaplet, Antoine Vianès, François Noël et Joseph Martin.

Pendant que Jacques Talagrand se fait soigner par Paul Reveilhe, âgé de 31 ans, médecin, chirurgien des prisons du Palais, Le sieur Pastourel dit Scolari est mis aux fers lui aussi. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux !

17/11/1826 :

Le commissaire de Police du 4ème arrondissement de la ville de Nîmes, Augustin Maux, interroge Jacques Talagrand. Au vu de ce que ce dernier lui raconte, il décrète qu’il s’agit d’une tentative d’assassinat.

7/12/1826 :

Gaspard Antoine Pastourel dit Louis Scolari est interrogé par Jean-Pierre d’Aldebert, chevalier de la Légion d’Honneur, juge d’instruction de son état, assisté de François-Raymond-Marie Cabras, greffier. Le prévenu est mis à nouveau aux fers.

17/01/1827 :

La chambre des mises en accusation de la Cour royale de Nîmes signe un arrêt stipulant que Louis Scolari sera envoyé devant la Cour d’assises.

28/02/1827 :

Deux jours après que Joseph Médaille, greffier audiencier, lui ait notifié l’acte d’accusation, Louis Scolari est interrogé à son tour par Philippe Emile Vitalis, président de la Cour d’assises du Gard. Il y aura procès.

13/03/1827 :

C’est le jour du procès. Louis Scolari comparaît libre, seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader. Sont appelés à la barre, outre Paul Reveilhe, Jacques Talagrand, Henri Pasquier, Marc Decombe et Pierre Autriche, deux autres témoins, sans que l’on sache pourquoi : Joseph Suau, âgé de 36 ans, cordonnier, habitant Nîmes qui ne déclare ne pas le connaître avant les faits. Et Guillaume Barry, 39 ans, propriétaire, habitant Nîmes.

Le Procureur général, après avoir entendu la plaidoirie de Me Mause, avocat de l’accusé,  demande au jury 20 ans de travaux forcés.

Après délibération, le jury le condamne à 10 ans de travaux forcés. Il y aura exposition préalable au carcan pendant 1 heure. Il sera publiquement flétri sur l’épaule droite par l’application d’une empreinte portant la lettre T. Il devra enfin payer 100 francs de cautionnement après expiration de la peine.