Quand je faisais mes études d’histoire et d’ethnologie de la famille, j’ai travaillé principalement sur les mariages entre cousins dans le village natal de mon grand-père maternel. Pour cela, comme les registres paroissiaux ont presque tous disparus, j’ai dépouillé de manière systématique les contrats de mariage. Et en parcourant ceux-ci, je suis tombé sur des contrats concernant des enfants à peine nubiles, quand ils l’étaient. Oh, peu de mariages dans le lot, à peine 3%. Mais suffisant pour que je m’y intéresse de plus près. De tous les mariages que j’ai pu découvrir, des mariages d’enfants, celui pour lequel j’ai un peu plus de tendresse est le mariage de Rose Esquilat, mon ancêtre. Née en 1771 d’Antoine Esquilat et de Rose Nègre, sa deuxième épouse, elle devient très vite orpheline de mère. Son père se remarie une troisième fois avec une veuve, Marguerite Canac. Cette dernière vient chez son nouvel époux avec ses enfants nés de son premier mariage. Antoine Esquilat et Marguerite Canac auront une fille : Cécile. Trop de bouches à nourrir. La propriété est en train de s’appauvrir. Une solution que trouve Marguerite Canac est d’évacuer tous les enfants possibles, en priorité ceux de son mari bien sûr. On n’est pas marâtre pour rien. Et c’est comme cela qu’en 1781 à peine âgée de 10 ans, Rose se trouve mariée à un vieux de 25 ans nommé Michel Maurel. Rose et Michel partent sur une propriété. Très vite, Rose se retrouve enceinte. Elle devait déjà être formée. Dans tous les cas, à onze ans, la voilà maman. A 27 ans, enceinte de son quatorzième enfant, elle se retrouve veuve. Que faire ? Elle pourrait se remarier après son accouchement. Elle est en capacité d’avoir d’autres enfants. Mais le veut-elle vraiment ? Après tout, sa fille aîné Rose, 12 ans, est en âge d’être mariée. Rose va donc chercher un neveu de son mari nommé Joseph Maurel. Et le marie avec sa fille Rose. Et ce qui devait arriver arriva bien sûr. Rose Maurel fut très vite enceinte. A 28 ans, Rose Esquilat se retrouva grand-mère. Tout comme sa mère, Rose Maurel eut de nombreux enfants, j’en ai décompté treize. Mais elle ne répéta pas avec ses filles ces mariages précoces. En m’intéressant à la généalogie de Marguerite Canac, la marâtre de Rose Esquilat, je me suis rendu compte, au vu des éléments en ma possession, que sans doute, elle aussi avait été mariée très jeune, aux alentours de 12-13 ans. Nous avons donc une répétition sur trois générations de ce phénomène. Très rare certes, mais je crois, en mémoire d’elles, que cela méritait d’être rappelé.