Lire la note de Jordi Navarro « Valoriser le patrimoine : entre bien public et intérêts privés » (http://papiers.poussieres.free.fr/index.php/2011/08/06/valoriser-le-patrimoine-entre-bien-public-et-interets-prives/#more-883) m’a interrogé sur la théorie économique des biens. Pouvais-je l’appliquer à la généalogie vue de l’angle professionnel ? Alors, avant une semaine de vacances bien méritée, voilà ce que j’en ai compris. Jordi, toi qui l’a plus potassé que moi, si j’ai fait des erreurs, tu n’hésites pas surtout à corriger. La généalogie professionnelle est un bien privé. Le temps que je consacre à un de mes clients m’empêche de le consacrer à d’autres (exclusivité). Mais tous mes clients veulent bien sûr que je m’occupe de leur généalogie (rivalité). Je peux en outre fixer un prix couvrant au moins le coût de production. Pour cela, j’utilise les autres biens. Quand je me sers des sites des Archives Départementales, que j’effectue des vérifications par le biais des arbres publics en ligne ou des sites des associations (hors de leur base de données sauf quand elle est ouverte à tous), j’utilise, il me semble, des biens collectifs. Ils n’appartiennent à personne, tout le monde y a accès de la même façon (non exclusivité). Le fait que je m’en serve ne vous empêche pas de le faire (non rivalité). Si je suis membre d’une association, ou sympathisant de celle-ci, et que je puisse par son intermédiaire me servir de Geneabank ou de leur base de données, si j’ai payé un club privilège d’une des sociétés commerciales qui me permette d’avoir accès à des arbres privés, à d’autres archives, je me sers de biens à péage. Un contrôle d’accès existe (exclusivité) mais m’en servir ne vous empêche pas de le faire si vous avez comme moi payé un droit (non rivalité). Je peux aussi être en salle de lecture d’Archives Départementales à consulter des registres non numérisés (la majorité des archives) ou les copies papier de relevés systématiques faits par des associations ou des particuliers. Dans ce cas, je me sers de biens communs : vous ne pouvez pas vous en servir tant qu’ils sont sous mon nom (rivalité) mais, une fois que je les ai rendus au président de salle, vous pouvez alors les commander pour les lire à votre tour (non exclusivité). Reste le cas de mes propres recherches. Où se situent-elles ? Je crois qu’en fait tout dépend du point de vue : mes clients ou moi, généalogiste professionnel. Si je me mets au centre, alors il me semble qu’elles sont elles aussi un bien privé. Je suis le seul à pouvoir m’en servir. Si je me place du point de vue de ma clientèle, il me semble qu’elles sont alors un bien commun. Deux de mes clients, ou plus, peuvent avoir les mêmes ancêtres ou les mêmes familles dans leurs ancêtres (non exclusivité). Les ancêtres n’appartenant à personne, ils y ont accès de la même façon. Mais comme il s’agit de mes recherches, et que je suis généalogiste professionnel, un prix existe. Mais un prix différent en fonction d’où se place le client. Si c’est la première fois que j’effectue la recherche, le prix est celui de la recherche dans les archives. Si, par contre, les recherches sont déjà faites, le prix est composé du temps de recherche dans ma base et d’un coût de saisie. Et là il y a rivalité entre les clients : Premier utilisateur ou pas ? Certains de mes confrères, à propos des recherches que nous effectuons, pensent non pas en terme de données, d’actes (comme je le fais) mais en terme d’arbre généalogique recherché par client. Il s’agit alors de bien complètement exclusif, sans rivalité puisque chaque client est étanche vis-à-vis des autres de ce point de vue. La rivalité existe seulement dans le temps consacré à chacun. Nous sommes donc, à ce sujet, je crois, à mi-chemin entre le bien privé et le bien commun. Où se situe le juste milieu ? Je n’en sais rien. Y en a-t-il un d’ailleurs ?