Je suis en train de lire un ouvrage sur le design thinking et cet ouvrage m’a renvoyé vers des recherches sur l’économie de l’expérience. Et là, je me suis rendu compte qu’Internet avait modifié mon expérience de la généalogie. Avant Internet, faire de la généalogie sollicitait plusieurs de mes sens : La vue bien sûr, parce que c’est le seul moyen de déchiffrer les actes. Le toucher, quand le document arrivait, qu’il fallait le sortir de sa boîte d’archives. Avant de le lire, il y avait de la manipulation. Et le papier chiffon n’a pas la même texture que notre papier bois chimiquement modifié. L’odorat, parce qu’un vieux document a une odeur particulière. Combien de fois j’ai entendu dire « ça sent le vieux ». L’ouïe, parce qu’un document quand on l’ouvre, si la reliure est en cuir ou en parchemin, elle craque. Certains utilisent aussi le goût, mais ce n’est pas bien. Souvenez-vous du Nom de la Rose, ces moines qui meurent parce qu’ils mouillent leur doigt pour consulter les pages. Et bien, c’est presque pareil. Sauf que c’est le document qui meurt petit à petit si tout le monde le fait à la suite les uns des autres. Alors, en y réfléchissant, certes, quand je consulte l’état civil ou les registres paroissiaux, cette expérience-là a disparu à cause d’Internet. Mais quand je consulte d’autres documents, comme par exemple les registres des notaires, elle y est toujours. J’ai toujours ce plaisir-là, tous mes sens en éveil. Et en lisant quelques paragraphes sur cette éconnomie de l’expérience, je me suis rendu compte que je n’avais pas la même manière d’appréhender la généalogie que d’autres. Parce que ce sont mes sens, et non ceux du voisin, qui sont sollicités. Que je fais peut-être plus attention au craquement de la reliure qu’à l’odeur du papier. Parce que mon métier fait que je sollicite plus ma vue, que je manipule plus de documents. Bref, à chaque fois que l’on ouvre un document, pour vous, pour moi, c’est une expérience différente. C’est intéressant, je crois, à réaliser. Parce que là encore cela va plus loin que la simple recherche de nos ancêtres.