En faisant des recherches généalogiques sur la paroisse de Carmaux (Tarn), je suis tombé sur le texte suivant en 1662, signé par le prêtre en début de registre : « Je me soumets sincèrement à la constitution du pape Innocent X du 31 mai 1653 selon son véritable sens qui a été déterminé par la constitution du Saint Père le pape Alexandre VII du 16 octobre 1656. Je reconnais d’obéir à ces constitutions et je condamne de coeur et de bouche la doctrine des Cinq Propositions de Cornélius Jansénius contenue dans son livre intitulé « Augustinus » que ces deux papes et les évêques ont condamnée, laquelle doctrine n’est point celle de Saint Augutin que Jansénius a mal expliqué contre le vrai sens de ce Saint Docteur ». En lisant le texte, j’ai vu que cela parlait de jansénisme. Je ne sais pas vous, mais ce dont je me souviens, c’est que c’est quelque chose qui a été condamné par Louis XIV. J’avais ce vague souvenir sans pouvoir en dire plus. Je me suis dit qu’il fallait chercher plus avant. Dont acte. L’essentiel des débats porte sur les relations entre la grâce divine (que Dieu accorde aux hommes) et la liberté humaine dans le processus du Salut. Pour Saint Augustin, Dieu est le seul à décider à qui il accorde ou non sa grâce. Les bonnes et mauvaises actions de l’homme n’entrent pas en ligne de compte. Dieu agit par l’intermédiaire de la grâce efficace qui atteint infailliblement son but sans pour autant détruire la liberté humaine. Les Réformateurs réduisent à néant la place du libre-arbitre de l’homme. Pour Luther, seule la Foi permet d’être réceptif à la grâce divine. Pour Calvin, celui qui n’a pas reçu la grâce ne peut être sauvé. Du coup, pour lutter contre ces pensées réformatrices, le Concile de Trente remet en avant la question du libre-arbitre. Différentes querelles aboutissent en 1611 à l’interdiction par le Saint Office de toute publication sur ce problème. Et c’est là qu’intervient Jansénius. En effet, de 1628 à 1638, évêque d’Ypres, il entreprend de rédiger une synthèse de la pensée augustienne (1300 pages, la synthèse !). Pour lui, depuis le péché originel, la volonté de l’homme sans le secours divin n’est capable que du mal. Grâce efficace, certes irrésistible, mais elle n’est pas accordée à tous les hommes. Et c’est là qu’intervient la grosse bataille du jansénisme, notamment en France où les politiques, la noblesse s’en mêlent. Je vous passe les détails. Le tout est que Cinq Propositions circulent. On les dit rédigées par Jansénius mais ce n’est pas sûr. Ce sont elles qui sont condamnées par la papauté. Que disent-elles ? 1- Quelques commandements de Dieu sont impossibles aux justes qui veulent et s’efforcent selon les forces qu’ils ont présentes : et la grâce, par laquelle ils leur soient possibles, leur manque aussi. (Proposition téméraire, impie, blasphématoire, digne d’anathème et hérétique). 2 – Dans l’état de la nature déchue, on ne résiste jamais à la grâce intérieure. (proposition hérétique). 3 – Pour mériter et démériter dans l’état de la nature déchue, il n’est pas nécessaire qu’il y ait dans l’homme une liberté qui soit exempte de contrainte. (proposition hérétique). 4 – Les demi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure prévenante, pour chaque action, même pour le commencement de la foi. Et ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle, que la volonté des hommes lui pût résister ou obéir. (proposition fausse et hérétique). 5 – C’est un sentiment demi-pélagien de dire que Jésus-Christ soit mort ou qu’il ait répandu son sang pour tous les hommes sans en exempter un seul. (proposition fausse, téméraire, scandaleuse ; et entendue dans ce sens que Jésus-Christ serait mort seulement pour le salut des prédestinés. Cette proposition est déclarée impie, blasphématoire, calomnieuse, injurieuse à la bonté de Dieu et hérétique). En janvier 1655, pour régler la question et se conformer au texte d’Innocent X, Mazarin réunit 15 évêques qui prescrivent la signature du Formulaire rédigé en 1653 par tous les ecclésiastiques du royaume. Comme ce n’est suivi d’aucun effet, en 1657 la bulle papale et le Formulaire sont acceptés par l’Assemblée du clergé de France puis par le Parlement dans le cadre d’un lit de justice. Et ceci fait, en 1661, Louis XIV impose à tous les ecclésiastiques la signature de ce Formulaire. Ce à quoi obéit en 1662 notre curé de Carmaux en recopiant et signant celui-ci sur ces registres paroissiaux. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, j’en ai mieux compris le sens.



