Quelles sont nos limites ? Quand un client nous demande une analyse ADN pour prouver une parenté avec un personnage, illustre ou pas, que devons-nous répondre ? La question n’est pas simple. J’ai plutôt tendance à penser qu’il faut décrypter la demande. Quelle est la véritable demande derrière ? Si un client me dit : « je descends du couple Axel de Fersen / Marie-Antoinette et on va commencer les recherches par un analyse ADN » ou s’il me dit « dans mes ancêtres, j’ai un enfant naturel qui a deux mères, le nom donné à celle qui a accouché est différent du nom de celle qui l’a reconnu, les deux existent, voici tous les documents que j’ai pu trouver à leur sujet ou au sujet des descendants de leurs frères et soeurs. Mais je ne sais pas laquelle est la véritable mère », la demande est différente, vous en conviendrez. Dans le premier cas, même s’il y a une énorme liasse de billets sur la table, je ne me fais pas corrompre. Je ne suis pas là, en tant que généalogiste professionnel, pour accréditer une légende familiale.Mon job, c’est de chercher des preuves de la filiation. Il me dit qu’il descend d’Axel de Fersen et de Marie-Antoinette, où sont les preuves ? Il faut étayer ou détruire ses dires. Cela peut être complètement basé sur la ressemblance supposée entre la mère du client photographiée de face et le profil de Marie-Antoinette (je caricature mais cela peut exister). Je ne m’appelle pas Barbara Cartland, le roman à l’eau de rose c’est pas mon truc. Dans ces cas-là, je suis un scientifique. Des preuves, toujours des preuves, encore des preuves. Et après on verra pour l’analyse ADN. Les preuves d’abord. Dans le deuxième cas, je me mets en position d’écoute. Le client vient avec ses recherches qui lui ont pris du temps pendant des années et des années. Je vérifie, tout en l’écoutant, en lui posant des questions, s’il n’a rien oublié comme pistes. S’il en a oublié, je lui donne la démarche à suivre ou je fais à sa place s’il veut me confier la recherche. Mais je suis dans l’écoute et je peux l’accompagner en lui donnant des adresses de labo, en lui disant de se faire accompagner par un psy s’il en ressent le besoin parce qu’il y aura le deuil d’une famille à faire. Je botte en touche. Je l’écoute et je le confie à d’autres spécialistes. Il a eu pendant un temps l’oreille d’un généalogiste professionnel, ce qui l’a rassuré. Mon rôle s’arrête là. La question est toujours délicate. C’est tellement plus facile l’analyse ADN que de faire de la recherche aux Archives Départementales. Avec l’analyse ADN, la réponse semble magique. Sauf que… La généalogie n’est pas de la magie. C’est une recherche scientfique. Donc je décrypte derrière cette demande ce qu’il y a véritablement. J’analyse et je propose une réponse à la véritable demande, celle qui est cachée. Pas simple parfois de le faire entendre au client. Mais en même temps cela peut lui ouvrir tellement d’autres possibilités.