Elie était le grand frère de mon grand-père maternel. Né le 18 septembre 1881 à Cadix, canton de Valence d’Albigeois,dans le Tarn donc, ils avaient 19 ans de différence. Tout comme Ludovic Baudy, Elie a eu une importance particulière dans ma famille maternelle. Là encore, peu l’avaient connu de la génération des cousins à laquelle appartient ma mère. Et pourtant, il était important aux yeux de mon grand-père. Sans doute parce qu’à la mort de leurs parents, Elie avait recueilli mon grand-père. Ce dernier parlait peu de cela même si cela l’avait marqué à vie. Il avait perdu ses parents alors qu’il était seulement âgé de 10 et 12 ans et pour l’un, le prêtre de la paroisse avait demandé aux communiants de prier pour le parent d’un d’entre eux, fort malade. Célestin, mon grand-père, n’avait rien dit mais savait pertinemment de qui le prêtre parlait. Elie en 1905 avait épousé une de ses cousines Justine Nègre. Ah, elle n’a pas laissé que des bons souvenirs, celle-là, tellement elle était acariâtre ! Quand elle s’est mariée la deuxième fois, son époux est venu voir la famille pour les engueuler : mais pourquoi ne lui avaient-ils pas dit qu’elle était si méchante ? S’il avait su, il ne se serait pas marié avec elle. Mais la famille était trop heureuse de s’en être débarassée, pas fou non ! Quelqu’un en voulait, hop hop hop, allez zou, du balai, du vent ! C’est dire ! Elie et Justine ont eu un fils : Justin, né 6 ans après mon grand-père. Oncle et neveu ont gardé des liens privilégiés par la suite. C’est normal en même temps, vu la différence d’âge entre eux. Et puis arrive la Grande Guerre. Elie est appelé. Il sera brancardier dans le 8ème régiment d’infanterie coloniale. 8 Juillet 1916. Marcelcave les Buttes dans la Somme. Elie essaie de sauver des vies, de ramener à l’abri les blessés. Son dévouement lui sera fatal. A l’annonce de son décès, mon grand-père est parti se louer dans des fermes pour ne pas vivre avec sa belle-soeur. Le temps de l’enfance était terminé pour lui. Bien des années plus tard, en 1983, Elie a refait surface, bien malgré lui. Mon grand-père avait subi une opération, trop longue dont l’anesthésie agira sur son cerveau. Pendant deux ans, j’ai vu mon grand-père ne plus rien reconnaître, changer de comportement. Et quand il me voyait, il ne me donnait qu’un seul prénom : Elie. Entre 1983 et 1985, il ne s’est pas souvent souvenu de mon prénom. Mais par contre, combien de fois m’a-t-il appelé Elie ! Ce grand frère qu’il semblait avoir tant aimé.