Certains de mes confrères écrivent que notre profession est soumise aux fluctuations socio-économiques. La recherche n’est pas un produit de première nécessité. Etant dans le budget « loisir » de nos clients, on est donc susceptible d’être rapidement supprimé en cas de crise. Bref, qu’il faut se lancer en ayant une marge financière de sécurité pour le temps des vaches maigres inéluctables qui va de toutes les façons nous tomber dessus. Je ne sais pas pour vous mais personnellement, je ne trouve pas cela très glamour comme argument de vente. Cela ne donne pas vraiment envie. Est-ce que je vends de la crise économique en remuant ma crécelle de pestiféré et en faisant la manche ? C’est la crise ! Ayez pitié d’un pauvre généalogiste professionnel, messieurs-dames. NON ! Franchement, NON ! Alors qu’est-ce que je vends ? Et si on allait voir plutôt du côté de l’imaginaire et du symbolique ? Les ethnologues se sont penchés sur nous les généalogistes comme de bonnes fées. Ils nous apprennent que, quand nous faisons des recherches généalogiques, nous mettons en place des relations avec les ancêtres qui ne sont entachées d’aucun passif. La négociation des rapports entretenus avec eux se trouve exclusivement entre nos mains. Du coup, nous pouvons sélectionner celui ou ceux avec qui nous pouvons et voulons établir un dialogue. Autrement dit, des relations sans contraintes. Ils nous apprennent aussi que la quête des racines appartient à une population à la mémoire cassée, à la recherche d’identité. Chercher ses ancêtres pour chercher à guérir. Pour pouvoir bien guérir, il faut une véritable libération de notre imaginaire. Tous, sans exception, nous avons eu un jour l’espoir de rencontrer, même de manière lointaine, même collatérale, quelque ancêtre célèbre. Cela fait du bien à notre Ego, il faut bien se l’avouer. Parce que c’est plus simple de s’identifier à lui. C’est peut-être aussi plus simple de s’y attacher, de se prendre d’amitié. S’il n’y en a pas, tant pis, nous savons le faire avec ceux que nous voulons mettre en exergue. On a tous un ancêtre envers lequel on a une affection un peu particulière. Un ancêtre préféré. Rechercher ses ancêtres, c’est pouvoir prolonger un peu de soi en eux. C’est mettre en place un curseur pour pouvoir nous promener dans l’espace et le temps, en nous libérant de notre destin. C’est aussi mener un voyage initiatique en nous ancrant dans leurs lieux de vie. En faisant cela, il a été démontré que nous avons une hausse de notre sentiment de mieux contrôler notre vie. En essayant de trouver des réponses lors de notre quête, on essaie alors plus facilement d’autres choses. Nous accroissons aussi notre performance, notre confiance en notre réussite future. Voilà pour notre imaginaire. Qu’en est-il du côté symbolique ? C’est l’arbre qui nous donne des réponses. Un arbre c’est un symbole de la vie, en perpétuelle évolution. C’est aussi le chemin par lequel passent ceux qui vont du visible à l’invisible, le symbole alors des rapports établis entre terre et ciel. L’arbre le plus important, symboliquement parlant, est l’Arbre de Vie, associé à la manifestation divine et dont les fruits transmettent une parcelle d’immortalité. Souvent cet Arbre de Vie est renversé : d’en haut est puisée la vie qu’on s’efforce de faire pénétrer en bas. Il est symbole de fertilité. Plusieurs cultures pratiquèrent le mariage mystique entre arbres et humains destiné à renforcer la capacité de procréation. Les pères-arbres, les mères-arbres, venant de ces mariages mystiques, nous conduisent vers l’arbre-ancêtre. Dépouillé de tout son contexte mythique, cela a aboutit de nos jours à l’arbre généalogique. D’une certaine manière, l’arbre généalogique est un nouvel Arbre de la Connaissance, sans danger celui-ci car sans interdit. Personnellement, je préfère vendre cela, m’attacher à cet imaginaire, à cette symbolique. Libéré des contraintes matérielles, amenant mon client vers un ailleurs. Et là, la question du budget ne se pose plus en terme de crise car nous sommes, lui et moi, ensemble, au-delà.