René François a prénommé son fils aîné René, dans la bonne tradition familiale, né neuf mois après son mariage, le 27 mai 1902.

 

René, quelques mois après que la justice ait déclaré son père mort pour la France, s’est engagé volontaire le 30 avril 1921 pour 4 ans. Il a 19 ans. Mesurant 1 m 61, les cheveux blonds, les yeux gris, il arrive le 14 mai 1921 au 4ème régiment de zouaves. Quand j’ai lu cela, j’ai relu à plusieurs fois. Zouave ? Zouave ? Euh… J’avais bien lu ? Non parce que, vu le caractère de mon grand-père, j’ai halluciné ! Pas vraiment un rigolo, mon grand-père. Alors l’imaginer habillé en zouave, coiffé d’un bonnet rouge avec un gland à franges, d’un turban de coton blanc roulé en boudin autour de la chéchia, un « sédria » (gilet sans manche en drap bleu foncé à tresses garances) avec par-dessus une « bedaïa » (veste-boléro en drap bleu foncé avec passepoils et tresses garance), le « sarouel » tenu par une ceinture de laine bleu indigo de 40 cm de large et de 4 m de long pour tenir les intestins au chaud et éviter ainsi la dysenterie. Et en guise de manteau une pèlerine ample mais courte de couleur gris de fer bleuté, des bandes molletières en drap gris de fer bleuté et des souliers cloutés de cuir noir. Comment dire ?

 

Même si le drap kaki reléguera cet uniforme aux effets de sortie ou de prise d’armes, j’ai du mal à l’imaginer ainsi. Mais en lisant la description du costume d’apparat, j’ai retrouvé les deux couleurs du costume dans lequel est mort René François. Coïncidence ou bien…  ?

 

Comme tout bon zouave, mon grand-père s’est engagé à plusieurs reprises et il monte petit à petit en grade. En 1929, il est affecté au 4ème régiment de tirailleurs tunisiens. En 1935, changement radical, le voici affecté au 39ème Régiment d’Infanterie…à Rouen ! Retour en métropole. Le changement de temps a été paraît-il tout aussi surprenant. Passer du soleil de Tunisie au temps humide de la Normandie, tout le monde m’en a parlé ! 1939, la Seconde Guerre Mondiale arrive et le voilà affecté au 5ème Régiment d’Infanterie. Direction Courbevoie, une glorieuse bataille dans l’Aisne avant d’aller en garnison dans la Loire. Une partie des effectifs rejoint la résistance dans le Massif Central après l’invasion de la zone libre. Fin de la guerre et fin de l’armée pour mon grand-père.

 

Puis c’est au tour de mon père de s’engager pour 3 ans quelques années plus tard, à la demande de son père. Direction Nîmes, le Groupement d’Instruction des Matériels et Bâtiments Coloniaux. Rengagement par deux fois pour un an … Cette fois-ci c’est Madagascar.

 

Enfin quand un de mes frères a fait son armée, il est parti en Guyane (une fois encore hors de la Métropole, pour la troisième génération consécutive). Et je suis parti à Nîmes donner des cours. Alors, je ne sais pas vous, mais je trouve que cela fait beaucoup de coïncidences. Je ressens cela, mais je peux me tromper, comme un enchaînement en cascades dû à la mort de René François. S’il n’était pas mort à la guerre, mon grand-père se serait-il engagé ?