2 août 1914 : c’est la mobilisation. Les soldats ont un bel uniforme bien visible avec un képi et pantalon rouge garance. Idéal pour être mitraillés par les Allemands. Leurs équipements sont archaïques, inadaptés, inconfortables. La fleur au fusil peut-être mais cela ne suffit pas à gagner une guerre. Être invisible à l’ennemi le permet aussi. Et l’uniforme français ne le permet pas.

 

En fait, la mobilisation est intervenue trop tôt. Depuis le 9 juillet de la même année, un nouvel uniforme a été décidé. 60% de laine bleu, 30% de laine garance, 10% de laine blanche. Il tire sur le violacé. On est encore bien loin du kaki moderne. C’est mieux mais ce n’est pas encore ça. Quelques mois de plus et les soldats auraient pu avoir la nouvelle tenue. Le temps de lancer la fabrication quoi ! Hélas, la garance nous est fournie par l’Allemagne. Oups ! Pas de bol ! Allez hop ! Tout compte fait, plus de garance ! Nous serons des bleus.

 

Mais en attendant, c’est cacher ce pantalon et ce képi que je ne saurais voir. Couvre-pantalons et couvre-képis bleus sont distribués en urgence sinon les pans de la capote doivent être relâchés. Ternir au cirage noir la brillance de la plaque en cuivre devient une obligation, car elle est bien visible quand le soleil tape dessus. Le soldat devient alors une cible vivante.

 

Sauf que… Sauf que…En attendant ce nouvel uniforme, Dame Camarde est là qui rôde. Entre août et décembre 1914, on estime à 300 000 le nombre de soldats français tués. Et de ce fait, avant la loi du 29 décembre 1915 qui impose la sépulture individuelle, la sépulture collective est de rigueur par fosse de 100 selon les consignes du général Joffre.

 

Un uniforme beaucoup trop visible malgré son statut de pépère. Trop de morts en trop peu de temps et pas vraiment le temps ni les moyens de bien les enterrer. Des cimetières provisoires près des postes de secours ou des tranchées. Les aménagements en sont très sommaires : les tombes parfois signalées par de simples croix de bois. La surface du champ de bataille bouleversée par la puissance, la fréquence des salves. Elles disloquent ou enterrent les cadavres avant que les hommes ne les inhument. S’occuper des morts devient in fine inutile, dangereux, impossible.

 

On peut comprendre alors pourquoi le corps de René François disparaît.