René François Cosson est inhumé dans l’ossuaire n° 1 de la nécropole de Villers-Carbonnel. Hélène Debacq, une de mes étudiantes, native de cette région, m’a fait les photos de cette nécropole et de l’ossuaire.

 

 

René François est alors devenu complètement concret. Il était là, sur cette plaque, dans cette terre.  Et parfois, on se pose des questions qui peuvent paraître bêtes : La plaque est-elle fleurie de chrysanthèmes le jour de la Toussaint ? Quelqu’un pense-t-il à eux ce jour-là ? Va-t-on un jour mettre des noms à ces 586 inconnus qui dorment pour l’éternité avec lui ou resteront-ils à jamais anonymes ? Qui a choisi de le mettre en ossuaire plutôt que dans une tombe individuelle alors que l’on connaissait son nom ? La famille ? L’Etat ? Et pourquoi ?

 

Que se passe-t-il à Villers-Carbonnel tous les 11 novembre ? Les anciens combattants vont-ils seulement au monument aux morts ou parcourent-ils les tombes ? Ont-ils une pensée pour tous les autres ?

 

Il n’est plus seulement René François Cosson. Il fait partie d’un ensemble de soldats qui a combattu dans la Somme pour essayer d’endiguer l’invasion allemande. A la fois individuel et faisant partie d’un tout. C’est difficile à expliquer les sentiments  ressentis alors, juste en voyant cette plaque et en lisant le panneau de présentation de la nécropole qu’elle m’a aussi photographié.

 

Voir cette plaque de l’ossuaire n° 1 pour la première fois m’a fait monter l’émotion et les larmes. Les réflexes professionnels que j’avais pu acquérir au cours de mes années de pratique n’ont servi à rien. René François est là. Trop présent. Trop près. Trop lisible sur cette plaque.

 

Ce n’est qu’ensuite, bien plus tard, que j’ai vraiment remarqué les noms des autres soldats qui sont morts le même jour que lui et que j’ai vraiment pensé à eux : Antoine Beauvineau, Jean-Maurice Bezier, Pierre Briand, Pierre Cerclé, Mathieu Courtot, Alexandre Dupé, Pierre Faibraud, Julien Jochaud, Pierre Lecoq. Et que je me suis demandé : se connaissaient-ils ? Sont-ils morts ensemble ? Où sont les autres morts, les autres portés disparus de ce 23 septembre 1914 ? Parmi les 586 inconnus ? Dans des tombes individuelles de la nécropole ? Les familles ont-ils pu récupérer leur corps ?

 

Ce que je ressens en voyant son nom sur cette plaque, toutes les familles le ressentent-elles ? Ou bien est-ce simplement ma sensibilité qui agit ? René François, vous avez été un personnage important dans ma vie généalogique. Celui qui a fait que, derrière vous, il y a plusieurs générations de militaires. Peut-être est-ce le jour  pour  vous dire : Reposez en paix. Peut-être est-ce un moyen, ce challenge, pour vous montrer au grand jour et vous dire aussi au revoir.