Pendant que René François est à la guerre, que se passe-t-il du côté de Nantes, de sa femme et de ses enfants ? Comme toutes les femmes, Louise Viot a dû faire face au départ de son mari, à l’absence de salaire qui rentrait régulièrement. Il faut malgré tout continuer à vivre. Comme toutes les femmes, Louise pallie à l’absence des hommes.

 

René François était maçon. Elle ne pouvait le remplacer dans ce métier, trop physique. Elle est sans doute partie à l’usine. Est-ce à ce moment-là qu’elle est devenue cigarière ? Qu’a-t-elle fait sinon comme métier ? Je ne sais pas. Elle avait quatre enfants à nourrir dont l’aîné, mon grand-père, avait 12 ans.

 

Tout comme le reste de la population restée à l’arrière, elle découvre le décret préfectoral et sa liste d’interdictions à respecter à la lettre sous peine de sanctions. Dans l’ignorance totale des opérations militaires, elle ne peut que s’adresser à la mairie pour obtenir des nouvelles de son mari. C’est sans doute ainsi qu’elle a appris qu’il était porté disparu. A-t-elle espéré son retour ? En tout cas, la fiche CICR que j’ai consulté mentionne plusieurs demandes de nouvelles de sa part.  Trop éloigné géographiquement des sources, je n’ai pas encore fait de recherches à ce sujet aux Archives Municipales de Nantes pour en savoir plus.

 

Nantes est une ville à l’arrière, une ville qui accueille des réfugiés : Italiens, Belges, Serbes, Nordistes. Nantes recevra aussi des prisonniers allemands. A partir de 1917, ce sont les soldats américains qui arrivent, Nantes et Saint Nazaire étant leurs bases n° 1. Sans compter les 132 000 blessés ou malades qui sont accueillis.

 

Cette guerre est présentée comme une guerre pour les enfants, pour qu’ils vivent, plus tard, en adultes, dans un monde en paix. Pour cela, les enfants doivent avoir un comportement patriotique exemplaire.

 

Il est fortement possible que René et Roger, les garçons plus âgés, aient suivi l’actualité du front par le biais du Ministère de l’Instruction publique qui faisait parvenir des documents aux enseignants, jouant à la guerre dans les cours d’école. Maurice a sans doute appris à lire avec la guerre. Louise a vraisemblablement visité les malades dans les hôpitaux, raccommodant leur linge, participant à des quêtes et ventes d’insignes en faveur des œuvres de guerre, soutenant les Poilus combattants ou prisonniers par l’envoi de lettres et de colis. Comme toutes les familles, tous les enfants, la famille de René François a été mise à contribution.

 

Pendant la guerre, un autre événement est survenu dans la famille de René François. Louise Viot tombe enceinte ! De qui ? Pas de René François en tout cas. C’est la seule certitude que nous avons. Ses enfants, qui connaissaient le nom du père de l’enfant qu’elle attend, n’ont jamais voulu révéler à personne son identité. Le mystère restera à jamais entier.

 

Le 19 mai 1917, à son domicile, assistée de Jeanne Regner épouse Micault, sage-femme,  Louise Viot accouche à son domicile d’un petit garçon qui sera prénommé Paul Léon Marie Camille. C’est la sage-femme qui ira déclarer sa naissance deux jours plus tard.

 

Et comme René François n’est pas officiellement mort, elle le déclarera fils de René François Cosson, âgé de 44 ans, maçon, et de Louise Viot, âgée de 43 ans, son épouse, en l’absence du père. Nulle mention de la guerre n’apparaît dans l’acte de naissance.