Bien que porté disparu, René François Cosson a une sépulture. Il est en effet enterré à Villers-Carbonnel, dans l’ossuaire numéro 1. J’ai interrogé la nécropole nationale : deux personnes l’ont formellement reconnu et on a pu ainsi lui donner une sépulture avec un nom. S’il n’y avait pas eu ces deux personnes, obligatoires, le corps n’aurait pas eu de nom.

 

Il est porté disparu et il a une sépulture. Dans un ossuaire certes, mais une sépulture. Comment est-ce possible ? Cela a été compliqué pour moi à comprendre. Pour moi, un disparu est une personne dont on ne sait pas où est le corps. Sinon il ne serait pas disparu. Pour moi, c’était antinomique. Il m’a fallu faire un long travail de recherches, et un long travail aussi en moi, pour arriver à accepter cette vérité : porté disparu mais avec une sépulture.

 

Deux documents m’ont permis de comprendre ce qui s’est passé. Disparu certes, mais disparu pour les Français. Pas pour les Allemands. Et là il y a une nuance et elle est de taille. Eux, les Allemands, ont mené les investigations, les recherches. Ils ont semble-t-il retrouvé son corps et un document du 23 juillet 1917 nous apprend que le sergent René François Cosson, du 81ème RIT, disparu le 23 septembre 1914, est enterré fosse 1 de la gare du Mesnil, près de Péronne. Sans doute s’agit-il du Mesnil-Bruntel. C’est le seul Mesnil que j’ai pu retrouver aux alentours en regardant une carte IGN. Un document du CICR nous dit d’ailleurs la même chose.

 

Le corps fut ensuite déplacé à la nécropole nationale de Villers-Carbonnel, la famille ne l’ayant pas réclamé. En même temps, son corps était-il reconnaissable au milieu des près de 600 morts qui composent l’ossuaire n° 1 ? Cela avait-il un coût que la famille n’a pas voulu supporter ? A-t-elle voulu le laisser au milieu des autres soldats décédés avec lui ? Je ne sais pas. Cette partie-là de l’histoire est restée dans le noir et le mystère. Sans doute à tout jamais.  La génération de ses enfants est décédée désormais et elle n’a pas transmis, semble-t-il, cette partie de l’histoire à sa descendance. Il y a des moments où le généalogiste doit accepter de ne pas tout découvrir.

 

Je ne saurais sans doute jamais non plus qui furent ces deux personnes qui ont reconnu son corps. Sans doute s’agit-il de deux Allemands. Ce serait logique. Peut-être est-ce là l’origine de la légende familiale le concernant. Mais ça, c’est un autre récit.