Quand je lis les mémoires de mes étudiants, j’aime beaucoup quand ils m’apprennent des notions que je ne connais pas. Quand il y a cet échange entre nous, où je leur apprends une manière d’ouvrir leurs recherches et en retour, ils me montrent une manière de présenter les résultats de celles-ci, c’est pour moi le pied total. J’aime quand ils vont au-delà de ce que je leur propose, quand ils osent casser l’idée qu’ils sont à l’Université et qu’il faut absolument avoir une note correspondant aux attentes du professeur, quand ils sortent du cadre scolaire.

 

C’est ce qui m’est arrivé cet été avec le mémoire de Marion Deletraz. Elle a mené sa recherche sur ses ancêtres en Savoie. Et à plusieurs reprises dans ses écrits, elle m’a parlé de système géographique, en me donnant un lien internet pour aller me documenter : http://www.ingenealogie.wordpress.com

 

Je ne me suis pas gêné, je suis allé lire le blog de Rémi C. Ben tiens ! Et je vais d’ailleurs en profiter pour transmettre l’idée aux promotions suivantes. Voici un résumé de ce que j’ai pu retenir de ma lecture de celui-ci.

 

Objectif : comprendre à quoi peut ressembler l’espace vécu par les ancêtres pour anticiper leurs déplacements. Ceci afin de trouver les lieux probables où aller chercher les ancêtres manquants. Appréhender un peu de leur quotidien et de la façon dont, en fonction aussi de leurs professions et de leurs liens familiaux, ils vivent leur espace quotidien et échangent avec un bourg ou une ville voisine. Est-il possible de répondre aux questions suivantes : Influence des villes et voies anciennes ? Influence du relief ? Comment se situent-ils dans l’organisation politique de l’ancien régime ? Parfois, cela peut permettre de se dire : Ah, là, il y a un obstacle. Donc si je cherche des actes, au vu de cet obstacle, je vais plutôt aller les chercher ailleurs que derrière cet obstacle. Un endroit peut-être un peu plus loin mais sans cet obstacle naturel.

 

Dans une vie, nous dit Rémi C., tous les déplacements n’ont pas le même sens. En généalogie, en comparant les lieux de naissance (ou, à défaut, le lieu de mariage des parents), de mariage et de décès, on peut observer des changements de lieux ou au contraire des stabilités au fil des générations.

 

Il définit alors ce qu’est à ses yeux déplacement généalogique : un déplacement constaté soit entre le lieu de naissance et le lieu de mariage d’un ancêtre (déplacement bien défini) soit entre le lieu de mariage de ses parents et son propre lieu de mariage (déplacement mal défini).

 

Ce sont donc des déplacements constatés sur actes, les seuls exploitables par le généalogiste. Les sources, les sources, les sources et… Les sources (voire les sources) comme je l’ai déjà dit.

 

Ceci étant dit, Rémi C. opère encore une distinction :

 

  • La micro-mobilité : Les déplacements dans des communes ou paroisses limitrophes, ou peu éloignées. Afin d’éviter une endogamie trop élevée, surtout en milieu rural.
  • La migration : Les déplacements plus lointains, reliant parfois deux secteurs au sein desquels les déplacements sont plus resserrés. Elles correspondent à des ancêtres qui quittent leur région natale pour d’autres, généralement pour des motifs économiques.

 

Pour lui, la bonne échelle, dans l’ensemble des lieux apparaissant dans les actes qui rythment la vie des ancêtres n’est pas la paroisse avec ses lieux-dits et ses hameaux. Il convient de faire des regroupements au-delà, entre certaines paroisses.

 

C’est la raison pour laquelle il parle de système géographique, réunissant un ensemble de paroisses ou de communes limitrophes ou voisines reliées entre elles par des déplacements généalogiques. Par définition, un système géographique ne recouvre donc pas l’ensemble des paroisses limitrophes, mais seulement celles qui font l’objet de déplacements vécus par les ancêtres.

 

Rémi C. introduit ensuite dans sa série d’articles-tests sur ses ancêtres trois autres notions :

 

  • L’effectif : c’est le nombre d’ancêtres connus qui ont réalisé dans le système géographique un ou plusieurs actes de leur vie. Cela montre la part qu’il occupe dans l’arbre généalogique : est-ce une étape ponctuelle dans des migrations plus larges ou un lieu d’établissement pérenne ?
  • La hauteur, définie à partir des lignées comme la longueur de la plus longue lignée de l’arbre dans laquelle des actes se sont déroulés au sein du système. Autrement dit, combien y a-t-il de générations ?
  • La durée: intervalle entre les dates extrêmes d’actes qui se sont déroulés au sein du système.

 

A partir de ces données, il est possible d’étudier :

 

  • sa dynamique interne, c’est-à-dire la manière dont les déplacements se sont déroulés au sein du système géographique. Cette approche sera l’occasion d’évaluer le rôle des différentes paroisses du système les unes vis-à-vis des autres ;
  • ses interactions avec les autres systèmes de l’arbre, c’est-à-dire les lieux d’origine des ancêtres qu’une migration a conduits au sein du système et ceux de destination des ancêtres qui ont quitté le système pour s’installer ailleurs.

 

Pour mettre en avant la trame géographique du système, telle qu’elle a pu influer sur les déplacements des ancêtres, il est plus pertinent d’avoir recours à une source ancienne qu’à une carte contemporaine. La Carte de Cassini, que l’on peut trouver sans difficulté sur un site tel que Géoportail, fait apparaître les principaux éléments de relief, les forêts, les principales voies de circulation ainsi que les villes, villages et principaux regroupements d’habitations.

 

Pour visualiser son système, Rémi C. se sert d’un logiciel de dessin vectoriel libre de type Inkscape. J’avoue ne pas connaître mais j’aime beaucoup les résultats qu’il montre. Pourtant, je ne suis pas du tout un visuel dans ma façon d’apprendre.

 

Une fois son système géographique visualisé, il est possible de distinguer deux zones :

 

  • La zone d’adhérence : déplacements que l’on peut supposer relativement fréquents. Portée estimée d’un déplacement sur un jour.
  • La zone d’influence : déplacements où ils devaient se rendre pour affaires.

 

Merci Marion ! Et merci Rémi C. aussi bien sûr. J’adore apprendre !