Sempiternelle question que je peux entendre en tant que généalogiste professionnel. Quand je parle de mon métier, elle arrive assez systématiquement, après : « Ah bon ! C’est un métier, je pensais que c’était un loisir. ». Alors… Comment dire ? C’est une question qui a le don de m’agacer. Peut-être parce que j’entends une double question : De quoi vivez-vous ? Quel revenu dégagez-vous ?
En même temps, si vous cherchez une réponse sur Internet… Faites l’expérience, demandez à Google ou à tout autre moteur de recherche le revenu moyen d’un généalogiste professionnel. Le plus souvent, on va vous parler du salaire du généalogiste successoral. Ainsi Olivier Davoust, en 2014, a étudié les offres d’emplois 2013. La majorité proposait un salaire entre le SMIC et 2000 €. Le site Digischool parlait en 2012 d’un salaire allant entre 2000 et 2700 € mensuels. Mais le généalogiste familial ? La problématique est peu souvent évoquée.
De quoi est-ce que je vis ? De ma passion ! Ce qui donne du sens et du bonheur à ma vie. Mais la passion ne fournit pas forcément un revenu. Ce revenu est dégagé par :
- la vente de mes recherches. Je ne suis pas sûr que mes confrères calculent le coût de celles-ci au juste prix. Il y a ce fameux prix psychologique, ce frein donné par les prospects. Mais n’est-ce pas un licol que nous nous sommes posés tout seul dessus d’abord ?
- la vente de mon savoir-faire, via les cours. Et là, ce n’est pas moi qui décide du prix. C’est l’Université.
Qui a déjà posé cette question à une autre profession libérale ? Je l’entends poser régulièrement à des artistes, des artisans d’art, des agriculteurs. Mais à une autre profession libérale ? La poseriez-vous à un architecte ? Un médecin ? Un coach ou un psychologue ? Une infirmière ? Alors pourquoi la poser à un généalogiste ? Qu’est-ce qui fait qu’on me la pose ? Qu’est-ce que cela renvoie derrière en termes d’image ? Voire même en terme de niveau économique ?
J’ai parfois l’impression d’être une espèce à protéger mais sans protection, sans encouragement réel à poursuivre une activité passionnante qui peut être économiquement difficile malgré la richesse humaine et la générosité que je peux dégager. Cela peut être…
3 réponses à “« Et vous en vivez ? »”
Très difficile d’en vivre, Stéphane!
Je ne peux pas me définir vraiment comme généalogiste, car cela n’est qu’une partie des compétences que je propose. J’écris et mets en page des livres de famille, à partir de généalogies déjà faites ( et bien sûr je passe beaucoup de temps à tout revérifier et à étoffer les recherches pour faire revivre les aïeux) , je peux également faire moi même la généalogie. Ceci n’étant qu’une toute petite partie du travail, car après il faut que je parte à la recherche des infos dans les familles: ITW des anciens, recherche des documents …
Et après j’écris, je resitue dans le contexte socio-historique, j’illustre (scans de centaines de photos et corrections) et je mets en page. Mes livres sont de véritables documentaires, vivants et très illustrés.
Bref, si on calcule le nombre d’heures passées et la somme de travail, les devis semblent prohibitifs pour mes éventuels clients, et pourtant je divise par deux le temps passé, et mon travail n’est pas du tout valorisé! Pour les généalogistes amateurs qui remplissent des cases en piochant sur généanet ou autres, ils ne se rendent pas compte des heures de recherches au sein des archives pour sortir des dates BMS….
Conclusion, j’ai arrêté de le faire professionnellement.
Alors, oui, c’est compliqué de vivre de cette passion et j’admire ceux qui y arrivent!
Bonjour Michèle,
J’ai eu hier une conversation avec la vice-présidente familiale d’un des syndicats professionnels suite à la parution de cet article. A ma question « Que met-on en place pour que cela change ? », sa réponse fut « Ah ça…. ». Ce qui a le don de m’énerver. J’espérais des idées, des propositions, un peu de brainstorming. Une discussion. Quelque chose qui puisse permettre de faire avancer. Car il y a des gens comme vous qui ont l’envie, les compétences car ils se sont formés pour exercer ce métier.
Mais personne officiellement n’explique ce qu’est notre métier, se penche sur la question du comment l’améliorer, donne une impulsion nationale. Et pourtant Généalogistes de France est censé représenter 95% des généalogistes français. Et pourtant un syndicat professionnel a pour but d’« assurer la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres » et non pas faire un annuaire mis à jour annuellement et se contenter de donner une carte pro. C’est dommage.
Bien dit