Les Archives peuvent être un lieu où le lien social peut se retisser entre personnes valides, personnes handicapées (avec leur entourage, leurs accompagnants et quand nécessaire leurs soignants) et les archivistes. De même, à travers les expositions qu’elles organisent, les Archives peuvent permettre de porter un autre regard sur le handicap, de ne plus le considérer comme une injonction de soin, voire de réparation. Pourquoi ne pas favoriser le vivre ensemble à travers ces documents, à travers ce lieu ?

 

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 reste, avec ses décrets d’application, le texte de référence en la matière pour l’inclusion des personnes en situation de handicap à la société. Ce n’est pas à la personne de s’adapter, c’est à la société de le faire. Nous avons notre handicap à gérer et c’est amplement suffisant (je dis « nous » car je suis reconnu travailleur handicapé avec reconnaissance de la lourdeur du handicap depuis plusieurs années maintenant).

 

Tout d’abord un petit rectificatif. Une personne handicapée n’est pas qu’une personne dont le handicap est visible de type déficience visuelle ou personne à mobilité réduite. Il existe aussi des handicaps dits « invisibles » (80% des handicaps, une bagatelle !) notamment quand les personnes sont atteintes de maladies chroniques invalidantes (mais pas seulement). Elles ne se voient pas, au prime abord, pour rester sur cet exemple des maladies, mais je peux vous garantir qu’elles sont bel et bien là et quand vous connaissez une « poussée » , vous ne pouvez plus mener une vie normale. Et vous attendez que la « poussée » veuille bien s’arrêter pour reprendre un cours de vie à peu près identique à celui que vous aviez connu avant (il ne l’est jamais vraiment).

 

Et je me pose une question : Si le réseau des bibliothèques, des éditeurs a mis en place des outils pour faciliter la lecture, je vois peu de choses se faire au niveau des Archives. Certes, pour le handicap visible de type fauteuil roulant, pas de souci. Mais pour les autres handicaps ?  Il existe pourtant un Référentiel Général d’Accessibilité des Administrations dont la dernière version a été approuvée en 2015.

 

Comment prévenir les gens en situation de surdité que leurs documents sont arrivés ? Par exemple. Ils n’entendent pas le bruit des chariots des magasiniers qui nous permettent à nous de nous lever quand ils arrivent. La personne qui s’occupe de la salle ne peut pas non plus les héler avec sa voix. Comment sont-ils prévenus quand ils sont à leur table ? J’ai vu des services d’archives avoir mis en place un système de lumière. Mais il faut avoir le nez dessus pour savoir qu’elle est allumée. Elle n’est, à mon goût, pas assez visible là où je l’ai vue.

 

De même, une personne qui connaît des difficultés avec sa vue peut aussi avoir envie de connaître la vie de ses ancêtres. Comment peut-elle le faire actuellement ? Comment peut-elle connaître ce plaisir que nous avons de fouiller dans les archives  ? Qu’est-ce qui existe pour elle, y compris dans le numérique qui se développe depuis plusieurs années (et alors que l’accessibilité au numérique des services publics est inscrite dans l’article 47 de la loi de 2005) ? Qu’en est-il de ce public empêché d’aller aux Archives ? Que fait-on pour lui, vers lui ? Car il existe là encore des solutions : postes informatiques équipés d’un logiciel de revue d’écran, vidéo-agrandisseurs, appareils de lecture DAISY. Entre autres… Cela peut être aussi des collections d’archives en braille (pour les séries les plus consultées). Voire des donneurs de voix pour les archives, comme il en existe pour les livres. Et pourquoi pas ?

 

Je parle des Archives mais on pourrait parler tout aussi bien des cercles de généalogie. Comment leurs relevés sont-ils accessibles aux personnes en difficulté visuelle puisque nous en parlons ?  Il en est de même d’ailleurs pour les sociétés de généalogie, de logiciels ou la formation. J’ai donné aujourd’hui un premier cours en classe virtuelle. Si un jour j’ai une personne sourde ou aveugle en face de moi, comment je la forme, sachant que cela passe par la voix  et l’écran  ? Si c’est OK pour la personne aveugle qui peut m’entendre et ce n’est pas grave si elle ne me voit pas, cela ne l’est pas pour la sourde qui me voit mais ne m’entend pas.  Nous nous sommes posés la question avec la responsable pédagogique de Nîmes quand une personne dans ce cas nous a demandé si elle pouvait s’inscrire. Nous n’avons pas une réponse satisfaisante pour le moment et c’est dommage.

 

Nous avons une incompatibilité irrésolue entre recherche généalogique et certains handicaps pour le moment.  N’existe-t-il pas là un immense chantier, des publics à aller chercher ? Je me pose la question.