Le 15 août 1899, est enregistré dans le Registrar Office du comté de Londres, quartier du Strand, le mariage de Nicolas Erasme de Savine de Toulouse-Lautrec, né le 6 janvier 1855 au château de Serédinskoyé (Russie), fils selon ses dires de + Erasme de Savine (lui-même fils de Serge de Savine et de Catherine Belosselski) et de Fanny de Toulouse-Lautrec (fille d’Alexandre de Toulouse-Lautrec et de Marie Babanine), avec Marie-Claire-Clémence Vervoort, née le 21 mars 1880 à Paris, fille de + Félix Vervoort et de + Marie-Alexandrine Recht.
De ce mariage naquit une fille Claire Marie Fanny Liane le 4 octobre 1900 à Montréal (Canada), décédée en janvier 1987 à Poitiers, veuve de Raphaël Jacob.
Nicolas Erasme de Savine de Toulouse-Lautrec ? Google étant notre ami, je fais donc, avec Marvin mon stagiaire, une recherche sur Internet. Et voilà ce que nous avons trouvé dans Gallica, et plus précisément dans la revue des grands procès contemporains.
Toulouse-Lautrec, Toulouse-Lautrec, c’est lui qui le dit parce que… Quand on lit la plaidoirie de son avocat, ce n’est pas vraiment ça. L’avocat de Marie-Claire-Clémence Vervoort nous déroule sa vie lors du procès de demande de nullité du mariage devant le tribunal civil de la Seine pour erreur sur la personne.
Et nous avons affaire à un escroc international.
En 1877, il est en effet poursuivi à Vienne (Autriche) pour escroquerie. Il n’a que 22 ans et déjà été condamné auparavant à la Sibérie par les tribunaux tsaristes. Sibérie d’où il avait réussi à s’échapper.
Le 31 octobre 1885, il est condamné par le tribunal correctionnel de la Seine pour escroquerie puis par la cour de Paris pour rébellion et tentative d’évasion. Dans son casier judiciaire, sa mère est nommée Fanny Schnillkoff.
Nous le retrouvons, une fois ses mois de prison effectués, à la fin de la même année en Bulgarie. Alors qu’il a réussi à se faire désigner comme prétendant à la couronne de Bulgarie, il est arrêté à Constantinople au moment où il demande au sultan de lui accorder le trône. Direction la Russie à nouveau et le voilà condamné à 5 ans de déportation en Sibérie.
Il réussit pour la deuxième fois à s’en évader mais file de l’autre côté : le Japon. Et de là, il gagne Vancouver puis les USA. Mais pour quelques mois seulement puisque le 30 juin 1886, il est arrêté à Ixelles, en Belgique, sous le nom de Georges de Toulouse-Lautrec. Ecroué aux Petits Carmes, il est condamné, entre autres, pour escroquerie et faux en écriture privée. Le 7 décembre 1886, toujours en Belgique, il a une condamnation définitive pour port de faux nom.
En 1896, de retour en France, il va voir un généalogiste marron, Louis Joriaux, pour lui demander de faire la jonction entre sa famille et les Toulouse-Lautrec.
Le 27 avril 1898, il est naturalisé citoyen américain par le juge Gibbons de Chicago sous le nom de Nicolas Erasme de Savine de Toulouse-Lautrec. Il est censé avoir vécu pendant 5 ans en continu à Chicago pour pouvoir obtenir cette nationalité. Mais il semblerait plutôt qu’il ait passé ces 5 ans à Cuba. Cette citoyenneté lui sera d’ailleurs enlevée le 7 avril 1910.
Le 27 novembre 1900, il est condamné pour faux et usage de faux par Monsieur Desnoyers, juge des Sessions de la Paix pour la cité de Montréal (Canada). Il doit effectuer une peine de prison dans le pénitencier de Saint Vincent de Paul pendant 5 ans.
Son épouse rentre en France en janvier 1901. Début février 1901, Nicolas Erasme a réussi à rentrer en France. Comment a-t-il pu sortir de prison si vite ? Rien ne le précise. Résultat, le 6 février 1901, il est appréhendé avec demande d’extradition de la part du gouvernement allemand pour une escroquerie commise à Brême. Là, son épouse craque et demande le divorce devant le tribunal de la Seine le 12 décembre 1901.
Revenons à son nom. Toulouse-Lautrec, oui mais lesquels ? De par son lieu de naissance, ce ne peut être que la branche russe.
Sauf que… Les Toulouse-Lautrec, tant la branche française que la branche russe, se répandent dans la presse pour annoncer au vu et au su de tous que ce Nicolas Erasme, soit disant de Toulouse-Lautrec, n’est en rien un membre de leur famille. Marie-Claire-Clémence Vervoort demande alors que son mariage soit annulé.
Ces articles de presse nous permettent de mieux connaître la généalogie de la branche russe. Et de rajouter des membres à la famille telle qu’elle nous est connue par l’ouvrage paru en 1992 (Et, là encore, il y a des erreurs). C’est Marie de Toulouse-Lautrec, correspondant avec Odon-Alexandre-Marie son cousin, puis Séraphine épouse du comte Raymond-Louis-Albert Montecuccoli qui nous donnent celle-ci.
Fanny de Toulouse-Lautrec, fille d’Alexandre et de Marie Babanine ? Séraphine, fille de ce couple, signale qu’elle est la seule et unique de ceux-ci. Le prénom Fanny est d’ailleurs un prénom complètement inconnu dans leur famille.
Le blason de Nicolas Erasme ? Il ne sait pas que « gueules » signifie « rouge » dans le langage héraldique. Il a donc dessiné des gueules d’animaux héraldiques tirant une langue démesurée sur son blason avant d’y coller dessus la croix de Toulouse.
Il dit qu’il a reçu par testament de son oncle Alexandre le droit de porter le nom et les armes des Toulouse-Lautrec parce qu’il est mort sans postérité ? Et que ce testament a été passé devant le grand maître de la police de Varsovie. Sauf qu’Alexandre a deux enfants : Alexandre et Herminie. Et que pour hériter d’un titre, il faut le demander au Tsar qui doit absolument donner son accord. Car les Toulouse-Lautrec ont été reconnus nobles héréditaires par un décret du 2ème Département du Sénat Dirigeant en date du 2 mai 1855.
Sa date de naissance toutefois est bonne, de même que son lieu de naissance. Sa mère se nomme par contre en réalité Théodosie Michailovna Svetchine et son père Gérasime Serguïevitch Savine selon l’extrait de son acte de naissance délivré au commissaire de police du deuxième arrondissement du district de Borovsk, envoyé au consul chargé de la chancellerie de l’Ambassade de France puis au comte Odon-Alexandre-Marie de Toulouse-Lautrec qui le produit lors du procès.
Au vu de tous ces éléments, le tribunal civil de la Seine déclare le 15 juillet 1902 le mariage nul et demande que le jugement soit inscrit sur les registres de l’état civil de Lieury (Calvados) où Marie-Claire-Clémence Vervoort réside. Ce jugement est confirmé le 12 mars 1903 par la première chambre de la cour d’appel de Paris. Par contre, leur fille mineure reste légitime.
Cette histoire étant assez exceptionnelle, on retrouve le jugement dans la jurisprudence Dalloz et dans le journal du Droit international privé.
17 réponses à “Nicolas Erasme de Savine dit de Toulouse-Lautrec, escroc international”
Extraordinaire histoire, palpitante.
Cet homme, bien que faussaire en identité, si l’on peut dire, a quand même mené une existence hallucinante. Pour l’époque, Russie, Japon, Canada, USA, Cuba, France, Belgique, et presque souverain de Bulgarie. C’est hallucinant.
Merci de cette jolie histoire,
Bonjour Clément,
Ravi qu’elle t’ait plu. Il est dommage qu’on n’en sache pas plus le concernant après l’annulation de son mariage.
Et nous continuons de trouver des histoires extraordinaires, telle celle de la comtesse Herminie de la branche russe, condamnée pour vol en 1924 à Nice. C’est un vrai bonheur de travailler sur cette famille.
Bonjour , je suis moi aussi comme ma cousine Laurence , l’arriere Petite fille de Nicolas , je connais assez bien son histoire , et vraiment cet homme quel personnage ! Ma grand mère n’a jamais revu son père de toute sa vie . Nous portons cette histoire hors du commun !
Bonjour,
Je suis la petite fille de Claire
Je viens d’apprendre plein de choses sur mon arrière grand-père. Comment vous est venue l’idée de faire des recherches sur lui ?
Bonsoir,
Je l’ai découvert quand j’ai fait des recherches sur la branche russe des Toulouse-Lautrec. Au départ j’ai voulu savoir s’il était membre des Toulouse-Lautrec comme il disait l’être ou pas. J’ai donc fouillé partout, avec Marvin Vendeville mon stagiaire, toute trace le concernant. C’est comme cela que nous avons trouvé l’annulation de son mariage avec votre arrière-grand-mère. Qui nous a donné de nombreux renseignements sur sa vie. J’ai ensuite continué à rechercher, ce qui a donné lieu à un deuxième article dans le blog.
Ravi que mon article ait pu vous en apprendre sur votre arrière-grand-père. J’espère que cela ne vous a pas choqué.
Bonsoir,
Je n’ai absolument pas été choquée. Je savais que c’était un « sacré personnage », j’en sais maintenant un peu plus. Je vais consulter Gallica.;
Ma famille n’est pas commune.
Mon rêve serait d’établir l’arbre généalogique du côté de ma grand-mère Claire (dont une branche est issue de la relation entre Louis XIV et Mme de Montespan) mais il faut du temps et des moyens.
Peut-être auriez-vous quelques conseils à me donner ?
Bonjour,
Tout dépend où vous en êtes et ce que vous voulez faire. Est-ce que vous voulez connaître tous vos ancêtres ? Est-ce que vous voulez travailler que sur une seule branche ? Jusqu’où voulez-vous remonter ? De quel temps disposez-vous ?
Partez toujours de documents sûrs comme l’état civil ou les registres paroissiaux puis les actes chez les notaires. Au départ. Notez toutes vos sources c’est-à-dire où avez-vous trouvez le document.
Ne vous découragez pas. La généalogie, c’est comme les crêpes. Il y a des moments où il faut laisser reposer la pâte avant de s’y remettre. Donc si ça bloque à un endroit, vous laissez de côté et vous vous attaquez à une autre branche.
Et bien sûr, si besoin est, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel. Il peut aller plus vite. Alors certes il n’y a pas le plaisir de découvrir soi-même mais nous sommes quand même nécessaires. Notamment quand il y a des problèmes de lecture, de pistes « introuvables » ou si vraiment vous vous rendez compte que vous avez envie mais pas suffisamment de temps pour le faire…. De ce côté-là, je serais toujours à votre disposition. Donc n’hésitez pas.
J’ai pu consulter l’acte de baptême de 1901.Le père « Toulouse Lautrec » n’a pas signé.
La marraine, qui ne signe pas non plus, dit s’appeler Claire Henriette Colmet comtesse d’Infreville.
Jean-Pierre P.
Bonsoir,
Merci beaucoup pour ces renseignements.
Bonjour , ce n’est pas une belle histoire , c’est notre histoire . Mon arriere grand pere Nicolas , a eu une fille Claire , ma grand mére , decedée en effet à Poitiers , elle repose au cimétiere de Saint Julien l’ars . Concernant mon arriere grand mere , en effet elle a été la fille « adoptive » de La contesse Colmet D’Aage d’Infreville . Je dispose de photos prise dans son chateau de tourraine ou ma grand mere à été élevée. On considere que Marie Clemence est la fille illégitime de Calire Henriette , ce qui fait que nous retrouvons les prenoms de ma grand mere : Claire Marie Fanny Lianne . Une partie de mon arbre a deja été réalisé avec l’aide d’une généalogiste . De mon coté je n’ai pas trop envie que l’on touche a notre histoire , c’était mon arriere grand pere , il faut lire le livre de ses mémoires .
Cordialement
V.Tochon
Bonjours,
Les grand cousins!
Je suis Deborah Dost jumelle de Raphaël Dost, tous deux arrière – arrière petits fils et fille de Nicolas. Nous savons par notre grand-mère Bernadette que Jacqueline sa soeur aînée détenait de nombreux papiers officiels sur Nicolas. Elle même en possède certaines copies.
Moi je ne me laisse pas berner par l’aspect « aventurier du personnage »
Ce type est une ordure qui a rendu bien malheureuse une jeune fille qui lui avait voué une totale confiance. il a abusé une famille et l’a escroquée.
Il n’y aucune compassion à avoir pour ce genre de parasite pestilentiel qui pourrit le monde à travers les siècles
Oublions le définitivement et pensons plutôt à celles et ceux qui se sont dévoués pour leurs proches dans les temps anciens et proches
Stella Benson Count Nicolas De Toulouse Lautrec De Savine
c’est le livre ecrit par cette journaliste américiane en 1933 (?) ou il raconte sa vie , ses diverses tribulations , le tout a la sauce du « don Juan » du 20 eme siecle , il y parle aussi de sa fille d’une facon touchante et triste , ce fut son seul enfant …
Bonsoir,
Je me suis intéressé à lui, et je l’ai découvert, en faisant des recherches sur la branche russe des Toulouse-Lautrec, branche peu connue et sur laquelle il manque beaucoup d’informations. L’ouvrage paru en 1992 sur cette famille fourmille en effet d’erreurs. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer que quelqu’un, votre ancêtre, avait pu s’approprier leur nom.
Pour moi, c’est une belle histoire, non pas dans le sens invention ou romance, mais dans le sens où elle est authentique et assez extra-ordinaire. Il a mené une vie des moins banales, votre arrière-grand-père, c’est le moins que l’on puisse dire. Rocambolesque mais parfaitement et complètement vraie. D’une certaine manière, on ne peut être qu’admiratif.
Bonjour,
Je suis la petite fille de l’une des filles (Jacqueline) de Claire, la fille de ce fameux personnage. J’ai aussi beaucoup appris, c’est fou!
Merci!
Vous écrivez: … « Et de rajouter des membres à la famille telle qu’elle nous est connue par l’ouvrage paru en 1992 (Et, là encore, il y a des erreurs). … »
Question: À quel ouvrage faites-vous référence ?
Bonsoir,
Je fais référence à l’ouvrage paru en 1992 aux éditions Christian, écrit par Jacques-René Magné et Jean-Robert Dizel, sur la famille de Toulouse-Lautrec.