Le 6 décembre 1615 Pierre Portal, Antoine Delmas, Antoine et Pierre Marty, consuls modernes de Milhars, baillent à Bernard Darasse, habitant Darasse, l’allumage du four de Milhars pour cuire le pain du seigneur pour une année entière, complète et révolue commençant à la Noël prochaine et à semblable jour finissant, moyennant la somme de 21 livres, payable moitié le 1er jour de l’année prochaine et moitié à la prochaine Pâques.

 

La première fois que j’ai lu cet acte, il y a bien longtemps de cela, je me suis fait la réflexion : il n’y avait pas de boulanger ? Eh bien non !

 

Par cet acte, Bernard Darasse devient  le fournier de Milhars. Mais de quoi s’agit-il ?  Ce four seigneurial est un four banal dont l’usage est obligatoire et taxé car relevant du droit de ban, un des privilèges abolis le 17 juillet 1793. Ce four, une construction toujours indépendante pour éviter les risques d’incendie, comprend plusieurs parties :

  • la sole  qui est la partie sur laquelle on va cuire le pain.
  • la cavité, ronde ou carrée, destinée à recueillir les cendres.
  • la gueule et son épure.
  • le fournil, la pièce où va travailler le fournier avec une petite fenêtre souvent pour l’éclairage et permettre une évacuation très partielle des fumées.
  • des bancs en pierre le long des murs pour accueillir le pain à cuire et les pains cuits.

 

Au départ, le fournier crée un petit feu au milieu du four, qu’il entretient avec du bois de plus en plus gros pendant 1 h 30 à 2 h jusqu’à ce que le four se pyrolyse. Il fait cela porte ouverte. Puis il étale les braises qu’il laisse pendant 1 h encore avant de les retirer. Les femmes en remplissent alors leurs chaufferettes (pour qu’elles puissent se chauffer l’hiver, le coin du feu étant alors réservé aux hommes). Les braises leur serviront aussi de lessive.

 

Le fournier balaie les cendres restantes avant de passer sur la sole une serpillière humide afin de la nettoyer et humidifier le four par la même occasion. Pendant encore 30 à 60 minutes, la température va descendre, porte du four fermée désormais. Il est prêt pour la cuisson du pain.

 

Le fournier prend alors sa grande pelle de bois, y renverse les pâtes et l’enfourne. Le foyer est suffisamment grand pour y cuire  plusieurs pains simultanément. Une fois tout  le pain cuit, on laisse échapper la chaleur en ouvrant à nouveau la porte. Les pains quant à eux refroidissent sur les bancs en pierre avant d’être récupérés.

 

Dans un souci d’économie du bois de chauffage, la cuisson se fait toutes les semaines, voire parfois une fois par mois. Le four est alors allumé pour 24 h. C’est un lieu de rencontre très prisé. Chaque famille doit bien sûr marquer son pain pour pouvoir le reconnaître et apporter sa bûche pour pouvoir le cuire. Tous sont soumis à la banalité, y compris les nobles et les gens d’église. Dans le cas où ils font cuire leur pain ailleurs, ils doivent quand même le droit de cuisson pour ne pas causer de préjudice au seigneur.  S’ils ont attendu plus de 24 h sans pouvoir faire cuire leur pain, les villageois peuvent aller le faire cuire ailleurs sans encourir une amende. Ils prêtent juste serment d’avoir attendu en vain et c’est suffisant pour qu’ils soient crus.