Aujourd’hui, j’ai eu envie de mettre en exergue le mémoire d’une de mes étudiantes parce qu’elle s’est retrouvée face à un défi. Faisant ses recherches sur les archives de la Meuse, elle s’est retrouvée devant une difficulté : beaucoup d’archives détruites par les différentes guerres, notamment les deux guerres mondiales. Je lui laisse la parole :

 

« A une trentaine de kilomètres de Verdun, le village de Thillot s’est trouvé au coeur du conflit de la guerre 14-18. La ligne de front restant fixée tout le long de la guerre à sa porte, il a été presque entièrement détruit, tout comme de nombreux autres villages dits « sous les côtes ».
Durant la 2ème Guerre Mondiale, la Meuse a été de nouveau au coeur des conflits et bombardée. De nombreuses archives concernant cette région ont été malheureusement détruites par les bombardements :

* Etat-civil : les actes de naissance et de décès entre 1914 et 1918 ont été reconstitués et ne comportent que les informations essentielles. Il n’y a eu aucun mariage durant cette période. De plus, pour une raison inconnue des Archives Départementales et des cercles généalogiques locaux, les registres d’état-civil d’avant 1765 des villages
étudiés ont été détruits (avec une exception pour Hannonville qui a conservé un registre communal pour la période 1703-1718).

* Recensements : les registres n’existent que pour les années 1926 et 1931.

* Enregistrement : les archives du bureau de Fresnes-en-Woëvre dont dépend Thillot ont été intégralement détruites en 1940. Quelques répertoires (actes civils publics, actes sous seing privé, déclarations de mutations par décès) subsistent sur la période 1791-1806.

* Hypothèques : les registres indicateurs et les répertoires des formalités sont complets mais les volumes des transcriptions n’existent qu’à partir de 1882.

* Notaires : il n’y avait pas de notaire à Thillot. Les communes les plus proches détenant des archives notariales sont Hannonville, Saint Maurice et Hattonchâtel mais les registres couvrent des périodes discontinues.

*Justice de paix : les registres des bureaux de Fresnes-en-Woëvre et de Vigneulles-lès-Hattonchâtel (dont dépendent les communes étudiées) ont été intégralement détruits durant les deux guerres mondiales.

De manière générale, toutes les séries ont subi des destructions et présentent donc de nombreuses lacunes.  »

 

Ce n’était donc pas si simple que cela. Ce fut alors le moment pour elle d’explorer ce qu’il était possible d’explorer dans les documents des séries classiques dont se servent les généalogistes : cadastre, armée, notaires. Mais elle a dû aussi explorer, avec succès ou pas, d’autres documents comme les archives du CICR, les journaux, la justice (justice de paix ou d’Ancien Régime), l’officialité diocésaine, les archives de la Révolution Française, les archives hospitalières…  Sans oublier de consulter les inventaires.

 

C’est en effet la seule possibilité dans ces cas-là.   Tout explorer, tout noter, sans rien oublier. Même si, au départ, l’acte peut paraître anodin. Sait-on jamais ? Il peut s’avérer utile par la suite (ou pas). Mais absolument tout noter, ne serait-ce que pour déterminer une fourchette de dates pendant lesquelles les personnes sont en vie. Essayer aussi de trouver le dernier acte mentionnant le nom de la personne.

 

Et je vous garantis, ce n’est pas simple. C’est même compliqué. Et c’est à la fois frustrant et enrichissant. Frustrant parce qu’il peut y avoir de longs moments pendant lesquels on ne trouve rien. Absolument rien. Et on est près alors du découragement. Enrichissant en terme de recherche, d’apprentissage, de méthodologie. Parce que c’est vraiment une longue période d’apprentissage. Pendant laquelle on pose des hypothèses. Pendant laquelle on se triture les méninges à la recherche d’une solution. Où on ferme des pistes les unes après les autres. Où on en ouvre d’autres.  Qui peuvent se fermer à leur tour.

Quand des archives sont lacunaires, détruites par des faits de guerre, il faut alors apprendre à devenir humble.  Accepter de ne pas avoir toutes les réponses. Mais je crois que cela en vaut la peine.