Pour une cliente, je travaille sur la famille Lautrec de Belmont-sur-Rance (Aveyron). Malheureusement, il y a de nombreuses lacunes dans les registres paroissiaux. Des années manquent ou des registres sont perdus. De plus, les actes eux-mêmes sont parfois très succins et ne mentionnent que le minimum. Et plus on remonte dans le temps, plus on est confronté à ces problèmes. Comment les résoudre ?

 

1/André Lautrec et Louise Constans

Les actes de baptême des enfants d’André Lautrec et Louise Constans, le premier couple qui nous intéresse, ne mentionnent ni le prénom de la mère, ni parfois même son nom, ni les parrains et marraines. Et les actes de mariage de cette époque ne sont pas filiatifs, C’est peu pour avoir des certitudes. On sait juste qu’en 1655 André Menras épouse Jeanne Lautrec, et qu’en 1656 Pierre Lautrec qui habite le masage de Micouleau (ou Nicouleau) épouse une demoiselle Pagès. C’est tout. C’est peu ! Il faut donc faire des recoupements pour en savoir plus.

 

Tout d’abord, le prénom de la demoiselle Pagès qui épouse Pierre Lautrec figure heureusement sur les actes de baptême de leurs enfants. Elle se prénomme Marguerite. Ce n’est donc pas le plus compliqué. Là, la solution est assez vite trouvée.

 

Pour reconstituer la cellule familiale de la génération de Pierre et Jeanne Lautrec, par contre, il faut examiner en premier lieu les parrains et marraines qui cette fois-ci sont mentionnés dans les actes de leurs enfants. Il est d’usage, en effet, que les grands-parents tant paternels que maternels, s’ils sont encore en vie, soient les parrains et marraines des premiers de leurs petits-enfants. A leur défaut, ce sont les oncles et tantes des nouveaux nés, c’est à dire les frères et sœurs des parents, ou d’autres membres proches : oncles et tantes des parents, beaux-frères et belles-sœurs, cousins, etc. Du moins dans le Midi.

 

André Lautrec et Louise Constans, parents de Pierre Lautrec, sont respectivement décédés en 1650 et 1642. Le premier enfant du couple Lautrec/Pagès étant né en 1658, ils ne peuvent être présents. Nous sommes donc dans le cas où les parrains et marraines seront choisis parmi les autres membres de la famille, en commençant par les plus proches.

 

On trouve ainsi un Antoine Lautrec, parrain du premier né qui se prénomme justement André, un André Menras, qualifié d’oncle, époux de Jeanne Lautrec, et surtout un certain Pierre Constans, prêtre, qui introduit le nom de Constans dans tout ce parrainage et confirme donc le lien avec Louise Constans, grand-mère décédée de tous les enfants de Pierre Lautrec et Marguerite Pagès. Du coup, nous savons que Pierre et Jeanne sont frère et soeur.

 

2/A la recherche des actes notariés

La seconde piste est celle des actes notariés. Ils complètent magnifiquement tout ce qui est lacunaire dans les  registres paroissiaux, mais la recherche est minutieuse. Il faut recueillir tous les actes où figure le nom de Lautrec pour ne manquer aucun indice qui nous permette de reconstituer au mieux l’arbre familial. C’est ainsi que nous avons eu la chance de tomber sur les testaments de Louise Constans (1642) et André Lautrec (1650).

 

Parmi les enfants  d’André Lautrec et Louise Constans qui ont pu être relevés sur la paroisse de Belmont entre 1624 et 1641, cinq sont mentionnés dans le testament de Louise Constans en 1642 : Pierre, Antoine, Jean, Raymonde et Jeanne, et quatre dans celui d’André en 1650 : Pierre, Antoine, Raymonde et Jeanne. Jean est donc probablement mort entre 1642 et 1650. Or parmi les parrains et marraines des enfants de Pierre Lautrec et Marguerite Pagès figurent bien Antoine, Jeanne, et Raymonde. Jusque-là, tout va bien. Tout semble se confirmer.

 

Et par ailleurs, en relevant tous les actes des Lautrec, on a pu constater que le couple André Lautrec-Louise Constans est le seul à habiter le masage de Micouleau. Pierre Lautrec, leur fils aîné et principal héritier, habite donc lui aussi Micouleau, et c’est précisément ce qui est indiqué sur l’acte de mariage de Pierre Lautrec et Marguerite Pagès en 1656. Il n’y a donc pas d’erreur possible.

 

Pour poursuivre la recherche et trouver les parents d’André Lautrec, les registres paroissiaux ne sont presque d’aucune utilité. Les lacunes sont de plus en plus importantes. Ce sont les actes notariés qui nous livrent la quasi-totalité des renseignements trouvés.

 

Des quittances dotales nous apprennent qu’André Lautrec, de Micouleau, s’est marié une première fois, avant le 24 mai 1618, avec Catherine Granier, fille de Pierre, native de Julhac, paroisse de Brousse. Et en effet, les registres paroissiaux mentionnent un André Lautrec épousant une Catherine Granier le 29 avril 1618, sans qu’on ait pu jusqu’à présent le relier au nôtre. On apprend de plus qu’il est fils de Jean Lautrec et que celui-ci est décédé. On ignore tout de ce mariage, des enfants qui ont pu en naître et de la mort de Catherine Granier. Nous trouvons bien une Catherine Granier qui décède en 1621. Il y a de fortes chances que ce soit elle mais comme le nom de son époux n’est pas précisé, il reste un doute.Une autre quittance dotale du 26.12.1624 nous dit qu’il est alors l’époux de Louise Constans. Il habite Parrinet, qui semble être un autre nom pour le même lieu comme on peut le constater par différentes sources.

 

Une troisième quittance dotale du 28.05.1618 nous apprend qu’André a une sœur prénommée Antoinette (ou Antonie), qu’elle est l’épouse de Fulcrand Barthélémy, et qu’André lui verse le legs prévu par leur père dans son testament, ce qui signifie qu’il est l’héritier principal. Par la suite, un autre acte de 1643 nous apprend qu’André Lautrec a été nommé tuteur de l’héritier principal de Fulcrand et Antonie et a administré pour lui son hérédité jusqu’en 1639, date à laquelle il est probablement devenu majeur.

 

A la même date, André Lautrec verse à Marie Lautrec, sa tante, veuve de Jean Guilhot, le reliquat de ce qui lui était dû pour sa dot. On apprend ainsi que feu Jean Lautrec avait une sœur prénommée Marie, et qu’il était lui-même probablement l’héritier principal de leurs parents, puisque c’est son fils, après sa mort, qui doit s’acquitter de cette dot.

 

3/Le mystère Catherine Lautrec

En 1632, un certain André Roque, fils de + Jacques Roque et de Catherine Lautrec, reçoit du même André Lautrec le reliquat de la dot de sa mère.

 

La première hypothèse est que cette Catherine Lautrec est la sœur d’André. Et comme pour son autre sœur Antoinette, c’est lui qui doit régler les sommes qui n’ont pas été versées par leur père. On note au passage que les deux protagonistes de l’acte portent le même prénom. Il y a peut-être un lien de parrain à filleul entre eux.

 

La seconde hypothèse est qu’elle est la tante d’André, la sœur de son père Jean. Si Jean a été l’héritier principal de leurs parents, c’est à lui à régler la dot, donc, à son héritier principal  après son décès. Le mariage de Catherine Lautrec et Jacques Roque date de 1594. Si elle est la tante d’André Lautrec et la sœur de Jean Lautrec, elle est probablement une petite sœur. Mais si elle est la sœur d’André, à l’inverse, elle ne peut être née que bien avant lui.

 

Enfin, en 1641, Louise Ayguié, veuve de Jean Lautrec, dit Guilhot, fait son testament. Elle habite Parrinet (ou Micouleau). Elle ne mentionne que deux enfants : Antonie Lautrec, épouse de Fulcrand Barthélémy (ou Berthoumieu), et André Lautrec. Pas de trace de Catherine qui est pourtant encore en vie.

 

L’explication la plus probable est que si Catherine est bien la sœur d’André et la fille de Jean, elle n’est cependant pas celle de Louise Ayguié. Jean Lautrec a sans doute été marié une première fois, et Catherine est né de sa première épouse. Ou bien cela pourrait confirmer qu’elle est la sœur de Jean et non sa fille. Malheureusement, le contrat de mariage ayant été passé chez Me Devic dont les minutes ne sont pas conservées aux Archives de l’Aveyron, il nous faut chercher ailleurs la réponse et remonter plus loin dans le temps.

 

En tout cas, nous avons à présent le nom de la mère d’André Lautrec.

 

4/Le testament de Pierre Lautrec de Mont-Rouch

Ensuite, nous avons le testament, le 20 mai 1654 de Pierre Lautrec, riche propriétaire habitant Montrouch. Célibataire ou veuf, il n’a pas d’héritiers directs et partage donc ses biens entre tous ses neveux et petits-neveux.

 

Son héritier général universel est Pierre Lautrec, chez qui il se trouve au moment où il a dicté son testament, fils de feu André Lautrec et de Louise Constans, et qui est désigné comme son petit neveu. André Lautrec est donc le neveu du Pierre Lautrec testateur, et le père d’André, Jean, son frère.

 

Antoine et Jeanne Lautrec, fils et fille du même André Lautrec, sont également mentionnés.

 

On apprend de plus que Pierre et Jean Lautrec avaient une sœur prénommée Marie. Celle-ci a épousé Jean Guilhot, décédé à la date de ce document. Ce qui confirme bien l’acte trouvé auparavant. On sait  par les registres paroissiaux que le mariage a eu lieu le 18 février 1601. Le même jour, un Barthélémy Guilhot a épousé une Louise Lautrec. Nous avons là une très forte probabilité qu’il s’agisse de deux frères épousant deux sœurs, pratique courante à l’époque.

 

Six enfants Guilhot sont mentionnés dans le testament de leur oncle. Quatre d’entre eux sont désignés comme étant les enfants de Jean Guilhot et Marie Lautrec :

*Barthélémy Guilhot

*André Guilhot

*Raymond Guilhot

*Anne Guilhot

Pour les deux autres, les parents ne sont pas précisés. Il peut s’agir des mêmes ou bien du couple Barthélémy Guilhot-Louise Lautrec :

*Jean Guilhot, qui a épousé Marguerite Arvieu, et a une fille prénommée Catherine

*Louise Guilhot, qui a épousé Barthélémy Pinet

 

On note que Catherine Lautrec, épouse de Jacques Roque, n’est pas citée dans le testament de Pierre Lautrec. Elle est décédée en 1644 mais elle avait à cette date 6 enfants vivants. Si elle est la sœur de Pierre, il est étrange que ses enfants, ses neveux, n’aient rien reçu de lui. A moins qu’ils aient été dotés auparavant, dans un autre acte.

 

5/André Lautrec, le prêtre

Pour finir, une quittance dotale du 31 décembre 1616 concernant la dot de Catherine Lautrec, épouse de Jacques Roque, fait intervenir un autre personnage. Il se nomme lui aussi André Lautrec, mais ne peut être confondu avec le précédent, puisqu’il est prêtre. Il réside dans la paroisse Saint Pierre des Cas, commune de Mélagues, et c’est lui qui fait pour les héritiers de Jean Lautrec, père ou frère de Catherine.

 

Conclusion temporaire de la recherche

De tout ceci on peut déduire les choses suivantes :

Premièrement Jean Lautrec est mort avant le 31 décembre 1616.

Deuxièmement André Lautrec, dont on a vu qu’il était l’héritier principal, est peut-être à cette époque encore mineur, puisqu’il n’agit pas lui-même. Il aurait donc moins de 25 ans. Mais comme on a vu qu’en 1618 il était marié avec Catherine Granier, il ne peut pas avoir beaucoup moins de 20 ans. On peut donc situer sa naissance aux alentours des années 1592-1598.

Troisièmement ce prêtre André Lautrec est un proche de feu Jean Lautrec. Le plus probable est qu’il soit son frère. Il pourrait, à ce titre, avoir été le parrain de notre André Lautrec, en tant que son oncle, et lui avoir donné son nom.

 

Pour résumer, grâce aux documents notariés recueillis jusqu’à présent, nous avons pu progresser dans la connaissance de la famille Lautrec et remonter deux générations :

*Pierre Lautrec, époux de Marguerite Pagès est bien le fils d’André Lautrec et de Louise Constans.

*André Lautrec a une première épouse avant Louise Constans, Catherine Granier.

*André Lautrec est le fils de Jean Lautrec et de Louise Ayguié.

*Jean Lautrec, qui porte le surnom de Guilhot, est décédé aux alentours de 1616.

*Jean Lautrec a peut-être eu une première épouse, dont on ignore le nom, dont pourrait être issue Catherine, épouse de Jacques Roque.

*Jean Lautrec a eu au moins un frère et une sœur, prénommés respectivement Marie (épouse de Jean Guilhot) et Pierre. Et peut-être un autre frère, prêtre, prénommé André, une sœur prénommée Louise, épouse de Barthélémy Guilhot, et notre fameuse Catherine, épouse de Jacques Roque.

 

La réponse à toutes ces questions ne se trouve pas dans les registres paroissiaux mais dans les minutes des notaires des environs de Belmont qu’il va falloir continuer de dépouiller. De même que celle du nom des parents de Jean Lautrec, l’identité des quelques autres Lautrec mentionnés dans les registres paroissiaux de Belmont et qu’on ne peut pour le moment pas relier avec ceux que l’on connaît.

 

Enfin il faudra arriver à déterminer le lien avec les Lautrec des communes environnantes : Combret, Murasson, Saint Sever du Moustier. Les communes sont trop proches les unes des autres pour qu’un lien entre eux n’existe pas.  Reste à le trouver.