Et si nous abordions la question, délicate, du prix et donc derrière de la rentabilité ? Pour les économistes, le prix se fixe sous l’effet conjugué de l’offre et de la demande. Il est d’autant plus élevé que la demande s’accroît par rapport à l’offre et inversement. A court terme l’offre est fixée et le prix varie sous l’influence de la demande et des utilités qu’il satisfait. Il se détermine en fonction de la rareté ressentie. A moyen ou long terme, le niveau du prix dépend des coûts de production qu’il a fallu assumer pour répondre à la demande et il tend à s’aligner sur ceux-ci.

 

Là nous sommes dans la normalité. Mais il existe des marchés où ça ne fonctionne pas. Le prix dans le domaine de la généalogie fait-il partie de ces exceptions ? L’utilité ne vaudrait-elle qu’à long terme et le coût de production à court terme ? A priori, je dirais oui. Une fois qu’une généalogie est faite, sa durée de vie est longue. Il suffit de rajouter les générations nouvelles mais pour les anciennes c’est bon.  Et si nous ne nous sommes pas trompés, si nos sources sont bonnes, cette généalogie va perdurer pendant toute notre descendance. Presque Ad Vitam Aeternam. Regardez : la généalogie des Julio-Claudiens ou celle des pharaons d’Egypte, depuis combien de temps existent-elles ? Elles sont « amorties ». Le coût de leur recherche n’existe plus depuis longtemps. Et elles nous sont toujours utiles pour comprendre une partie de l’histoire.  Ce coût de la recherche n’a duré qu’un bref instant par rapport à la durée de vie de ces généalogies.  Nous avons bien, il me semble, une utilité dans le long terme et un coût, même s’il peut être important pour celui qui le supporte, qui est dans le court terme.

 

Essayons d’aller un peu plus loin. Qu’est-ce qui joue quand le généalogiste professionnel fixe ses prix ? Juste ses besoins et ses charges ? Ou bien faut-il y rajouter ses parutions ? Sa formation ? Sa durée dans la profession ? Quelles sont les références qui font qu’un généalogiste professionnel peut demander un prix plus cher qu’un autre ? Les nôtres certes mais aussi celles vues par ceux qui passent commande. Et qui ne sont pas forcément les mêmes. A quoi eux font-ils attention ? Est-ce que nous nous sommes posés la question ?

 

Ceux qui rentrent sur le marché doivent-ils avoir le même prix que quelqu’un installé depuis plus de 10 ans ?  Le prix doit-il augmenter prudemment une fois sa réputation établie ? Est-ce qu’il faut s’intéresser plutôt à la qualité de son travail ? Est-ce que son savoir, son savoir-faire, son savoir-être doivent entrer en compte ? Est-ce une question de marché, de bulle façon Internet  qui fait qu’à un moment un généalogiste peut avoir un prix plus cher parce qu’il fait de la formation, qu’il publie, est présent dans les médias ou que sais-je encore et qu’ensuite il est passé de mode ? Qu’est-ce qui rentre en ligne de mire ?

 

Aurait-on une concentration du marché au profit de quelques stars au détriment de tous les autres ? Imaginons que le marché de la généalogie ce soit un grand nombre de consommateurs à la recherche de généalogistes professionnels reconnus comme très talentueux. Les demandes se concentrent-elles sur ce petit nombre avec une multitude d’autres généalogistes bénéficiant de peu et ramant pour pouvoir en vivre ?

 

Quelle est la valeur de chacun d’entre nous sur le marché de la généalogie ? Et comment la détermine-t-on ? Sommes-nous capables de la déterminer seuls ou bien devons-nous nous faire aider par des personnes neutres, ne connaissant rien à notre domaine, qui auront de ce fait un regard sans biais ? Et si nous ne regardions pas les prix du bon côté de la lorgnette ?

 

Beaucoup de questions pour le moment et très peu de réponses. Peut-être parce que ce n’est pas seulement à nous de les apporter. Soyons comme les élèves du professeur John Keating qui sont montés sur les tables, ont déchiré l’introduction de leur ouvrage de littérature, ont outrepassé les désirs des parents en se donnant un peu de liberté.  Changeons de perspective et voyons ce que cela donne. Mais pour cela, il nous faut un capitaine, quelqu’un qui le permette, qui l’encourage. Un séditieux. Un trublion.  Je ne suis pas sûr que seuls nous y arriverons. Mais je crois que cela vaut la peine de se poser ces questions-là.