Nous sommes en 1889. Edmond Auguste a 20 ans et tout comme les jeunes de sa classe, il se présente pour faire le service militaire.  Les cheveux châtains, les yeux marrons, mesurant 1 m 59, il a un front bas, le nez et la bouche petits.  Son degré d’instruction est de 2  c’est-à-dire qu’il sait lire et écrire. Sur son registre matricule, je lis : Conseil de révision, services auxiliaires, alopécie. De ce que j’en comprends, il est donc exempté pour alopécie.

 

Exempté pour alopécie ? Ce n’est pas banal. Quelques recherches s’imposent pour mieux comprendre les raisons de cette exemption du service militaire.

 

L’aide-mémoire médico-légal de l’officier de santé de l’armée de terre, publié par Maillot et Puel, paru en 1842, nous dit :

 

« L’alopécie, ou la perte totale ou presque totale des cheveux, qui empêche de porter la coiffure pesante du soldat, et l’expose à tous les dangers résultant de l’action intense et brusque des variations atmosphériques, constitue un cas d’exemption comme de réforme du service militaire.

Elle peut être simulée par l’épilation, ou n’être que passagère, et le résultat de maladies aiguës, graves, récemment terminées, et ne peut, par conséquent, ni faire exempter, ni faire réformer.

Celle qui est réelle et ancienne s’accompagne d’une teinte blanche, uniforme et mate du derme chevelu ; les points bleuâtres  correspondant aux bulbes pileux ne peuvent plus être distingués.

On cherche quelquefois à dissimuler l’alopécie partielle au moyen de pièces artificielles, plus ou moins artistement ajustées, susceptibles d’échapper à l’attention. Il suffit de signaler cette fraude comme ayant été mises en place par des remplaçants, pour ne pas s’en laisser imposer. »

 

En 1889, visiblement, c’est toujours valable. Si je n’ai rien trouvé en effet de précis pour cette année-là, en fouillant par contre dans Gallica, j’ai trouvé  une instruction ministérielle du 13 mars 1894 sur l’aptitude physique au service militaire qui nous dit la même chose qu’en 1842 :

« l’alopécie, reconnue incurable, occupant une grande étendue, lorsque les cheveux seront rares, grêles, courts, rabougris et cassants, motive le classement dans le service auxiliaire ou la réforme, selon son degré. »

 

Si l’on lit par contre l’aptitude physique au service militaire  du 15 décembre 1905, l’alopécie n’est plus une cause ni d’exemption ni de réforme.

 

Qu’est devenu Edmond Auguste du point de vue militaire, malgré son alopécie ? Il  est dans la réserve de l’armée active le 1er novembre 1893 et passe dans l’armée territoriale le 1er novembre 1903.

 

Son alopécie ne va pas non plus l’empêcher de faire la Première Guerre Mondiale. En effet le 19 décembre 1914, il est classé dans le service armé par la commission de réforme. Rappelé à l’activité le 19 avril 1915, il est affecté au 133e Régiment Territorial d’Infanterie le 19 avril 1915. Il passe à la 8e section du COA le 28 octobre 1916 puis à la 17e du COA le 30 mai 1917. Le 25 janvier 1918, il est au service d’appel jusqu’à nouvel ordre au titre du service de distribution d’eau à Toulouse. Il est enfin libéré définitivement de toute obligation militaire le 30 novembre 1918.

 

En outre il est en Allemagne du 19 avril 1915 au 9 juillet 1917 puis en sursis du 10 juillet 1917 au 31 janvier 1918.